Le vendredi 19 novembre 1965, un public nombreux, parmi lequel se sont glissés des membres du " club des Aigles ", se rend à l’Ancienne Belgique, débordant d’enthousiasme et sans doute un peu remuant.
La Libre Belgique, par le truchement d’un journaliste (dissimulé sous les initiales de A.L.) relate le concert en mettant surtout l’accent sur les « débordements intempestifs » des trublions du club des Aigles. Et il n’y va pas de main morte avec le lauréat de Knokke :
- Son allure efféminée, son absence de voix — il est vrai que le vacarme qu'il déchaina plongea la vaste salle de l'A.B. dans un abîme effroyable de décibels — ses mimiques qui eussent fait florès, à Athènes, parmi les ambassades, eussent suffi pour dégoûter de lui n'importe quel homme bien constitué, Il faut croire qu'un nombre relativement important de jeunes de cette « première » agitée ne faisait point partie de la catégorie simplement mâle pour avoir paru goûter avec autant de délectation un spectacle écœurant.
Comme Mr Mathonet, l’exploitant de l’A.B., estime que, sans ses numéros de music hall, le complexe y perdrait son âme, inflige à son public de jeunes les Lipsis, trois acrobates sur trampoline, les Winny et leurs chiens dressés, Nuk, le clown-musical et l’orchestre d’Emile Sullon. Débarque ensuite, en vedette américaine, Arlette, fille du coureur cycliste belge Jef Dominicus, mieux connue sous le nom de Tonya. Aux dires de certains, elle est, paraît-il, promise à une fort belle carrière de chanteuse.
Avec courage, Tonya tente de placer une note au milieu des sifflets et des huées des quelques centaines d’adolescents qui piaffent d’impatience et hurlent : On veut Dave, on veut Dave !
Après l’entracte, les nerfs sont à cran, mais dès les premiers accords de guitare électriques, le public laisse exploser sa joie dans un déferlement de cris et de martellements de pieds.
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Pourtant, Dave Berry n’a pas encore montré le bout de son nez. Seule sa voix résonne dans la salle, derrière un rideau de scène qui ondule légèrement. Durant trois longues minutes, la vedette fantôme se contente d’exhiber la pointe luisante de sa chaussure et il nous faudra attendre la fin du morceau pour qu’il nous montre progressivement son genou, puis sa jambe et enfin qu’il apparaisse de la tête au pied.
Le journaliste de La Libre Belgique récidive avec un papier incendiaire sur le comportement du public. Son titre : : Ancienne Belgique : Tonia et Dave Berry deux victimes d’une incompréhensible hystérie collective. (*)
[…] À l'initiative d'une firme de pressage de disques, un paquet d'invitations avait été distribué dont s'étaient saisi soixante pour cent d'étudiants trublions et quelques quarterons d'excités perpétuels que les moindres gémissements du plus minable des archaïques « rockers » plongent dans les transes.
Dave Berry, en l'honneur de qui l'effroyable chahut « à la shinding » (émission de la télévision belge francophone), pour ceux qui suivent cette mauvaise émission de la R.T.B., avait été monté, a été probablement une des victimes de la crise d'hystérie collective qui expédia sur la scène de l'Ancienne Belgique, une cinquantaine de jeunes individus des deux sexes apparemment en transes tandis que, dans la salle, sur les tables, sur les chaises un nombre plus considérable encore d'éléments tout aussi apparemment et visiblement déchaînés, extériorisaient en des actes de folie le déchaînement de leurs passions « musicales » !
Pourquoi ? Le mystère restera entier à propos de cette crise d'hystérie collective à quoi, finalement, une demi-douzaine d'agents de police fut contrainte de mettre un terme. […] A.L.
(*) Le journaliste confond les membres du club des Aigles avec des étudiants de l'U.L.B. Ce qui vexa Piero et son équipe qui auraient préféré être cités en tant que rockers.
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