CHRONIQUE 1973- 1980

 

Retour sur la page BIENVENUE

 

Retour sur l'index de Chronique 73-80

 

AGENDA CONCERTS ROCK BELGIQUE

 

en 1973

 

en 1974

 

en 1975

 

en 1976

 

en 1977

 

en 1978

 

en 1979

 

en 1980

 

FESTIVALS

 

Bilzen 1973

 

Bilzen 1974

 

Bilzen 1975

 

Bilzen 1976

 

Bilzen 1977

 

Bilzen 1978

 

Bilzen 1979

 

Bilzen 1980

 

Torhout-Werchter 1978

 

Torhout-Werchter

1980

 

 

GROUPES ANGLAIS

 

Alice Cooper en Belgique 1975

 

Blue Oyster Cult Belgique -1975

 

Boomtown Rats 1978

 

David Bowie - 1978

 

Genesis-Belgique 1973-80

 

Led Zeppelin - Belgique 1975-80

 

Little Richard- Forest 1975

 

Marvin Gaye à Ostende 1982

 

Neil Young - Belgique 1976

 

Pink Floyd - Belgique 1977

 

Queen Belgique

avril 1978

 

Rolling Stones en Belgique - octobre 73

 

Rockstars 1973-1974 in Belgium-Holland-England

 

Rockstars 1975-1976

in Belgium_Holland-England

 

Rockstars 1977-1980

in Belgium_Holland-England

 

Scorpions en Belgique 1975-1979

 

Talking Heads en Belgique 1978

 

Uriah Heep en Belgique 1971-78

 

Vince Taylor, la fin d'une idole -années 80

 

Bruce Springsteen en Belgique 1981

 

TEMPLE DU ROCK

 

Rockin'Club Forest 1977

 

Théâtre 140 agenda rock pop 1973-1979

 

MÉDIAS

 

Folllies émission télé RTBF - 1973

 

ROCK ANNÉES 70 par Piero

 

Gravé dans le Rock

L'ouvrage de Piero Kenroll en 17 chapitres

 

 

CHRONIQUE 1960-1965 CHRONIQUE 1966-1972 CHRONIQUE 1973-1980 LES PIONNIERS DU ROCK GROUPES ROCK
BELGES

BIBLIO ROCK CINÉS DU CENTRE VILLE CINÉS DE QUARTIER PROGRAMMATION TOUT BRUXELLES CINÉ DOCS
 

TALKING HEADS EN BELGIQUE - 1978

 

CONCERTS :

 

Jeudi 5 mai : Auditorium Janson – Bxl - avec les RAMONES.

 

9 juillet 1978 : Festival Torhout-Werchter

 

 

TORHOUT WERCHTER

 

Paru dans Télémoustique N° 2747

Un article signé Gilles Verlant

Au début, ils ont surpris. Des jeunes gens bien, genre universitaires, propres et polis. Un chanteur hyper-tendu, une voix aiguë, des accords secs et fragiles à la guitare. Une rythmique proprement irrésistible, assurée par une frêle bassiste et un petit batteur musclé.


Cela, c'était en mai 77. Talking Heads jouait en première partie des Ramones au Janson, à Bruxelles. Vingt-cinq personnes connaissaient alors leur premier single « Love Goes To Building on Fire ». Vingt-cinq fans. A la fin du concert, huit cents personnes, conquises, en voulaient plus.


Dix-sept mois plus tard, le groupe trône au sommet du « Hot-Top » de Télémoustique, avec leur deuxième et inoubliable LP « More Songs About Buildings and Food ». Tranquillement, sans aucune opération publicitaire tapageuse, en appliquant à la lettre leur propre philosophie, Talking Heads s'est imposé comme une des forces à la tête de l'évolution musi­cale présentement amorcée et qui risque, dans les mois et les années à venir, de changer la face du rock'n'roll

 


Qui sont-ils ?


En octobre 73, dans une école de design de Rhode Island, David Byrne fonde avec Chris Frantz un groupe dont le nom trahit bien les préoccupations, les ARTISTICS.

 

Avant cela, David jouait dans un duo simili-folk (avec un accordéoniste) et Chris dans un groupe de bal, les Beans. Ils se sont découvert des intérêts communs, en particulier l'art minimaliste, la vidéo, le design... et certains groupes comme le Velvet Underground, Question Mark and The Mysterians ou les Kinks.

 

A leurs débuts, les Artistics ne jouent que des reprises : « 96 Tears » (Question Mark), « I Can't Control Myself » (Troggs) et des morceaux de Smokey Robinson. Suivant l'aveu même de David, les Artistics étaient effroyablement mauvais et bruyants. Mais cela ne les empêche pas de se faire quelques fans, dont une jeune fille minuscule et très jolie, Martina Weymouth.


En janvier 75, le grand pas est franchi. Chris, David et Tina décident de déménager à New York, où ils commencent à répéter sous un nom obscur et déroutant : Talking Heads. Les têtes parlantes. En fait, c'est un terme de métier employé dans les stations de TV aux Etats-Unis pour qualifier un certain type de présentateurs télé, ceux dont on ne voit jamais que le haut du corps, et dont le rôle, limité mais essentiel, consiste la plupart du temps à donner en un minimum de temps un résumé du « journal parlé » ou un communiqué quelconque.


Ce type de « flash » peut durer plusieurs minutes, ce qui nécessite de la part du speaker un talent particulier : accrocher l'attention de l'auditeur par les seules expressions de son visage et par les intonations de sa voix.
Il y a un peu de cela dans le concept du groupe : avec une image limitée au strict minimum, en n'utilisant aucun « truc » pour capter votre esprit, Talking Heads vous hypnotise et vous fascine : plus moyen de se libérer de leur emprise.


New York 75-76.

 

Après six mois de travail intensif, Tina maîtrise sa basse, et plusieurs chansons sont composées, dont « Psycho Killer » et « I'm Not In Love ». En juin 75, ils jouent au CBGB, le célèbre club new-yorkais, en première partie des Ramones.

 

 

 

 

La presse (le « Village Voice » et le « N.Y. Times » en particulier) s'empare du groupe et voit déjà en lui un des groupes de l'avenir. Les Heads enregistrent des démos pour Matthew « King » Kaufman de Beserkley Records, sans aucune suite.

 

Au même moment, Patti Smith prend de l'ampleur, et Télévision (avec Richard Hel) jette les bases de la nouvelle scène intellectualo-rock new-yorkaise.

 

Quelque chose explose, Talking Heads fait la première partie d'un certain Bob Marley, et finalement, fin 76, ils sont signés par un label relativement peu connu, Sire. Mais ils ne sont toujours que trois.

 

De Tommy Ramone  à Brian Eno.


En février 77, au moment de la sortie de leur premier simple, produit par Tommy Erdeyli (alias T. Ramone), Jerry Harrison vient compléter le line-up du groupe. Son passé est plutôt prestigieux : de 72 à 74, il fut un Modern Lover pour Jonathan Richman (il joue sur « The Modern Lovers », leur premier album, et sur les bandes enregistrées avec John Cale en 72 et Kim Fowley en 73), puis un membre du groupe d'Elliott Murphy (période « Nighlights ») en 75.

 

Dès 77, c'est une tête parlante à part entière.


En avril 77, une première tournée les mène en Europe, où l'accueil est unanimement favorable. Deux nouveaux singles apparaissent, « Uh-Oh Love Comes To Town » en septembre 77, précédant l'album de quinze jours, et « Psycho Killer », trois mois plus tard.

 

Quant à l'album, « Talking Heads 77 », c'est une révélation. Le journal  américain « Rolling Stone » déclare T.H. « groupe le plus prometteur », « Psycho Killer » devient un hit et surtout, à Londres, un jeune  homme chauve tombe amoureux de l'album. Il s'agit de Brian Eno.


Après les avoir vus « live » en janvier 78, il va les trouver « backs­tage ». C'est vite décidé, cela ne pouvait pas être autrement : Eno deviendra leur producteur. Au pas­sage, il leur dédie aussi une chanson : « King's Lead Hat » (anagramme de T.H.), sur « Before and After Science ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

David Byrne

 

 

Avant-garde, intellectuels ?


Indubitablement, Talking Heads fait partie de l'avant-garde du rock actuel. Leur musique est expérimentale dans le sens qu'elle est totalement nouvelle. En effet, il est impossible de cerner leurs influences de façon précise. C'est un groupe funky, mais la rythmique syncopée les a rapprochés de la New Wave. C'est un groupe dansant, mais les paroles de David Byrne sont une petite merveille de complexité, souvent métaphoriques, toujours réfléchies, tournées et retournées.

 

J'ai déjà eu l'occasion de le dire, T.H. exerce une fascination unique, par le fait que son impact est multiple : il agit au niveau de votre ventre, de votre esprit, de vos yeux, de votre cœur, de vos jambes.


Expérimental, T.H. l'est au même titre que Brian Eno. C'est pour cette raison qu'en studio, Brain One a pu fonctionner comme un cinquième membre du groupe, tentant à tout moment d'approfondir leurs recherches, grâce aux « stratégies obliques » et à la parfaite liberté d'inspiration qu'ils ont mise au point.

 

Tout cela transparaît dans « More Songs about Buildings and Food». Eno a mixé les instruments de façon à ce que la rythmique soit hyper­présente, comme une monstrueuse pulsation d'acier sur laquelle se brodent les claviers de Jerry Harrison et de Eno, la guitare excitée et la voix psychotique de David Byrne. Le résultat est magique : un son épais, infiniment plus riche que « 77 ».

 

Eno semble avoir agi comme un révélateur sur le groupe, et inversement.


En effet, Brian est extrêmement satisfait de leur collaboration. Il ne tient pas du tout à ce qu'elle s'arrête là, c'est pourquoi Chris Frantz et David Byrne seront ses invités sur son prochain album solo (en com­pagnie d'Ernie Brooks, un autre ex-Modern Lovers).


Un nouveau style  d'écriture.


Musicalement, comme au niveau de l'écriture des textes, Talking Heads semble avoir mis au point une technique tout à fait particulière. Une sorte de double mouvement, qui les mène continuellement de l'ensemble au détail et du détail à l'ensemble, de l'infiniment grand à l'infiniment petit.

 

C'est particulièrement sensible dans un morceau comme « Found a Job », bâti comme une petite symphonie et revenant continuellement à cet infernal rift incessant de Byrne. Mais c'est surtout au niveau des textes que cela crève aux yeux :

 

 

« Je vois les nuages qui se meuvent dans le ciel
Je vois le vent qui pousse les nuages au loin
Je vois les nuages au-dessus du building
Je choisis le building dans lequel le veux vivre
Je sens les sapins et les fruits dans la forêt
Je vois les pommes de pin qui tombent sur la route
C'est la route qui va vers le building, le building dans lequel je vais vivre. » « Dont worry about the govern­ment », T.H. 77.)

 

D'un air parfaitement léger et évident, Byrne effectue deux fois d'affilée des « zooms » : du grand (le ciel) au petit (le building) et du petit (la pomme de pin) au grand (le building). Cherchez dans d'autres chansons (« The Big Country » en particulier), c'est saisissant.


En dehors de ces exercices de style, David a aussi travaillé une écriture qui lui est personnelle. Partant de phrases totalement anodines (« I Want To Be With The Girls » ou « l'm writing about the book I read » et par une sorte d'autocritique continuelle, il semble ne jamais s'échapper de ce qu'il tente désespérément d'exprimer.

 

Cela donne des textes comme « Tentative decisions » ou « No compassion » parfaitement indécis, confus, timides, absurdes, égocentriques, cyniques (sans agressivité), embarrassés, glacés, sensibles, sensibles, sensibles.

 

En définitive, Talking Heads est le miroir le plus fidèle de la vie moderne. Des tentatives désespérées vers un idéal et des réponses freinées par un attachement viscéral au confort et à la nourriture (buildings and food, des remises en question continuelles qui n'apportent qu'une plus grande insécurité.

 

Tout cela  n'est pas sérieux.


Avec toutes ces préoccupations, cette inventivité musicale, ces recherches stylistiques, Talking Heads parvient aussi à être un groupe joyeux, excitant et souriant. Leurs morceaux, souvent sautillants et très rythmés, accrochent d'abord pour ces raisons purement physiques. Ce n'est qu'après, en pénétrant leur musique, que l'on découvre leur infinie richesse. Essayez.     

 

Gilles VERLANT.

 

 

9 JUILLET 1978 - TORHOUT-WERCHTER

TALKING HEADS connurent le plus grand triomphe du festival. C'est à la fois mérité et surprenant, car, à première vue, la musique de Talking Heads est sans doute un peu ésotérique pour un festival et les membres du groupe sont peut-être un peu froids, mais le public a imprévisiblement réagi d'une manière plus que favorable.

 

Ils ont interprété en tout huit chansons de leur premier albums « 77» et sept de leur tout nouveau « More Songs About Buildings And Food ».

 

David Byrne était dans une forme incroyable, remerciant le public en chantonnant au micro et faisant le fou sur scène.

Lorsque Talking Heads a obtenu un deuxième rappel délirant, on a même vu la bassiste Tina Weymouth sourire !

 

David Byrne et Tina Weymouth © M.Spinoy