LES GRANDS FESTIVALS POP EN BELGIQUE
JAZZ-BILZEN FESTIVAL
5 SEPTEMBRE 1965
PREMIÈRE ÉDITION

© Jean-Pierre Schorpion
COMMENT TOUT A COMMENCÉ ?
FONS COCH ET LE DAVIDSFONDS
À la fin des années 50, la petite bourgade de Bilzen, dans le Limbourg, tente d'effacer les dernières séquelles visibles laissés par la 2 ème Guerre mondiale et entame sa rénovation.
Le chômage est pour ainsi dire inexistant et l'Expo 58 place la Belgique sous le feu des projecteurs du monde entier.
En 1962 l'usine Ford s'installe dans la ville voisine de Genk et Bilzen profite largement de ses retombées économiques.
L'emprise de l'église catholique sur la province flamande reste omniprésente, même si elle commence à montrer quelques signes
d'essoufflement.
Pour la jeunesse, Bilzen demeure une localité terriblement tranquille, avec des bistrots de vieux, comme l'Iris. Les distractions sont donc plutôt rares.
Le seul bistrot "branché, c'est le Teeny Club qui, grâce à son juke-box permet aux jeunes d'écouter les derniers succès d'Elvis, Paul Anka ou Fats Domino.
En 1964, Fons Coch, président du Davidsfond (*) se dit qu'il serait temps de crééer un évènement culturel susceptible d'intéresser ses concitoyens.
Si Coch est un grand amateur de musique classique, mais il n'en apprécie pas moins le jazz, autant prisé par la jeunesse que par les adultes. C'est ainsi que nait le principe d'organiser une journée consacrée à cette musique venue d'outre atlantique.
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CONCURRENCER COMBLAIN-LA-TOUR ?
En Belgique, le jazz est devenu populaire grâce au festival de Comblain-la-Tour, en province de Liège.
Cette année, précisément, les organisateurs ont fait venir Ray Charles ! Un événement sans précédent, qui a créé la surprise et l'admiration. Et qui contribue à faire connaître Comblain dans toute la Belgique et à l'étranger.
Grâce au Davidsfond, Fons Coch sait qu'il peut compter sur des subsides qui lui permettront de donner corps à son projet.

http://adalen.jimdo.com/jazz-comblain-1959-1966
(*) Le Davidsfond était un réseau culturel néérlandophone indépendant, fondé au XIX° siècle. |
PAUL BESSEMANS ET PAUL LENDERS :
LES CHEVILLES OUVRIÈRES DU PROJET
L'année suivante, en avril 1965, Fons Coch rencontre Paul Bessemans, leader de la formation Pol Bess Combo, à qui il demande s'il accepterait de venir se produire à Bilzen. Bessemans accepte.
Reste à trouver un terrain, susceptible d'accueillir des milliers de visiteurs. C'est un peu par hasard que le choix se porte sur un espace en friche, situé près de la colline du Borreberg, en face des ruines d'un ancien béguinage.
La colline du Borreberg
L'objectif se veut éloigné de toutes considérations commerciales, contrairement à Comblain, qui au fil des années, a eu la fâcheuse tendance de se transformer en une vaste kermesse.
Le principe est de présenter un festival amateur certes, mais d'un haut niveau musical.
Paul Bessemans s'adresse à Paul Lenders, mieux connu sous le nom de Pol, portier de profession mais surtout grand amateur de jazz, afin de l'aider à constituer un plateau exemplaire.
Dès le début mai, Pol s'attelle à la tâche en faisant appel à son petit carnet bien fourni en adresses prestigieuses.
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Paul Lenders, dit Pol - Collection Marc Danval
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MÉDIAS - ARGENT ET SPONSORING
Reste à gagner le soutien des médias.
Humo, l'hebdomadaire consacré aux programmes radio-TV et qui bénéficie d'un important lectorat en Flandre propose d'emblée sa couverture rédactionnelle.
La BRT Limbourg se fend d'une somme de 10.000 francs (250 €) en échange des droits d'enregistrement de l'événement. Peter Stuyvesant établit un chèque de 4.000 francs (100 €) pour sponsoriser sa marque de cigarettes. Et le Ministère de l'Éducation Nationale et de la Culture de la province accorde …sa bénédiction.
Le comité organisateur se retrouve ainsi avec un budget de 25.000 francs (625 €) ce qui reste bien insuffisant pour constituer une affiche digne de ce nom.
Il va falloir reconsidérer le cachet des musiciens voire même d'obtenir de certains d'entre eux qu'ils jouent pour la gloire.
Initialement envisagée pour le 11 juillet, la date du festival est reportée au 5 septembre. Histoire de laisser derrière soi Comblain-la-Tour, prévu pour le 1 er août.
Au fur et à mesure que l'événement trouve écho dans les médias, d'autres sponsors se manifestent. Parmi eux, le quotidien Het Belang van Limburg, la brasserie Alken et la Kredietbank.
Mais c'est finalement le Davidsfonds qui apportera la somme la plus conséquente avec ses 20.000 francs (500 €).
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BRANLE-BAS DE COMBAT
À deux mois de l'échéance, le bourgmestre de Bilzen, Monsieur Haffmans, envoie son personnel communal sur le futur terrain du site en vue de l'aménager comme il se doit.
Les pierrailles et les déchets, qui jonchaient le terrain sont retirés, les ornières rebouchées; laissant place, au bout de quinze jours, à une plaine parfaitement nivelée et recouverte d'une fine couche de graviers.
La colline du Borreberg ressemble de plus en plus à un véritable amphithéâtre; surtout après la construction de son podium.
Le centre et alentours de la petite ville de Bilzen sont rafraîchis, dans l'espoir que les retombées du festival seront largement bénéfiques pour son image de marque.

Fons, a alors l'excellente idée de transformer le nom de "Jazzfestival voor amateurformaties" par la dénomination plus simple de “jazzbilzen festival”. (*)
Un logo est créé. Il subsistera de nombreuses années et figurera sur drapeaux, banderoles et calicots.
Une dernière question subsiste :
LE PUBLIC SERA-T-IL PRÉSENT AU RENDEZ-VOUS ?
En changeant la date initialement prévue, les organisateurs ont perdu de vue que le 5 septembre a lieu à Courtrai le 5 eme "Golden River City Jazz Festival".
Un choix déchirant pour les passionnés de jazz, qui devront bien choisir. Sans parler d'un match de football, susceptible d'attirer du monde également.
Patatras : le matin du 5 septembre 1965, le ciel est bas, la pluie menace. Les membres de l'organisation, leurs épouses, enfants, conjoints mis à contribution pour installer les chaises, préparer les sandwiches, servir au bar – font grise mine.
Lorsque le festival démarre vers 11 h, avec le "Lowlands College Band", de faibles applaudissements émanent des quelques cinquante spectateurs présents et qui tentent de s'abriter de la pluie.
(*) En 1966 Fons Coch retirera le mot festival pour ne garder que la mention Jazzbilzen. |
Hôtesse d'accueil © mabo
Un temps digne de Comblain-la-Tour, s'exclament les organisateurs (apparemment, il pleut toujours lors du festival de Comblain).
Mais la presse a bien fait son boulot. Et notamment Humo, qui a consacré sa couverture à l'événement, en joignant une brochure d'information.
Radio Hainaut qui relaie l'info de son côté n'hésite pas à qualifier Comblain-la-Tour de festival du passé … et Bilzen de festival du futur !!! On croit rêver.
Le bruit de la pluie couvre les notes de musique. Les formations se succèdent, les uns après les autres.
Dans l'après-midi, le temps s'éclaircit. Le public arrive par petits groupes. Le bouche à oreille semble avoir fonctionné. Toutes les chaises placées face au podium sont désormais occupées. Les organisateurs n'en reviennent pas. C'est plus qu'ils n'en espéraient. |

PROGRAMME DU FESTIVAL
The Lowlands College Band
Guy Bierlaire Trio
The Mike Zinzen Quartet
Robby Rose Quartet
Jack van Poll Three-oh
John van Rymenant sextet
Pol Closset & His Dixieland Gamblers
& Rudi Marsalis Tony Voss Quartet
Ferre Grignard Skiffle Group
Poll Bess Combo
Alex Scorier Quintet
Champion Jack Dupree
The Lounge Lizards Jazz Orchestra
Rita Reys & het Trio Pim Jacobs
Jack Sels Quartet & het Al Jones Trio
Sadi & het Al Jones trio
( Budget du plateau : 75.400 francs soit 1.900 €)

Jack Van Poll © Jean-Pierre Schorpion

Jack Van Poll © Karel van Hauwaert

Rita Reys © Jean-Pierre Schorpion

La pluie cède la place à l'embellie © Jean-Pierre Schorpion

Rudy Marsalis
FERNARD " FERRE " GRIGNARD

Ferre Grignard © mabo

Ferre Grignard © mabo
Contre toute attente, la véritable révélation de la première édition du festival de Bilzen, n'est pas un jazzman. C'est un Anversois. Il joue du skiffle. Il s'appelle Fernand « Ferre » Grignard.
Les organisateurs l'avaient trouvé un peu trop beatnik. Ils s'en étaient méfiés au point d'hésiter à l'engager. C'est pourtant lui qui mit le public dans sa poche avec sa chanson Ring, Ring, I've Got to Sing qui connaitra un retentissement mondial.
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SADI & AL JONES TRIO

Sadi et son vibraphone © Jean-Pierre Schorpion
À l'issue de la prestation vivement appréciée de Sadi et du Al Jones trio, Fons Coch, euphorique, montera sur le podium et lancera : À l'année prochaine.
De son côté, le journal De Standard titrera :Jazz Bilzen pense déjà à 1966.
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Il est intéressant de constater que les grands festivals tels que celui de l'île de Wight et plus tard Rock Werchter et Pukkelop, se sont montés à partir de petites associations.
Les fondateurs du festival de Wight étaient membres d'un club de tennis. Rock Werchter a pris racine avec les membres du Chiro, sorte de patronage. Pukkelopop a été fondé par le centre de la Jeunesse Humaniste de Bourg-Leopold, dont le local portait le nom de pukkel (bouton).
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Réalisation et mise en page : Jean Jième
avec la collaboration de Jazz Bilzen et Bilisium
Traduction du néérlandais en français : Philippe Colinge
 
1965- 1981 (420 bladzijden)
Het boek over Jazz Bilzen is momenteel nog te koop bij de dienst Toerisme van de stad Bilzen in Alden Biesen, in het Stadhuis op de Markt in Bilzen en in cultuurcentrum de kimpel, eikenlaan 25 in Bilzen. De verkoopprijs is 39.50 euros. Het boek kan ook verstuurd worden.
Rekeningnummer 001-4574210-57
IBAN: BE 09 00145742 1057
T. 089 51 95 33 - 0478 57 21 10 - jeanpierre.poesen@bilzen.be
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