CHRONIQUE 1973- 1980

 

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Vince Taylor, la fin d'une idole -années 80

 

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ROCK ANNÉES 70 par Piero

 

Gravé dans le Rock

L'ouvrage de Piero Kenroll en 17 chapitres

 

 

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VINCE TAYLOR ENTRE FRANCE ET BELGIQUE

LE RETOUR DE L'ARCHANGE NOIR DU ROCK - 1970-1980

 

LE LENT DÉCLIN D'UNE IDOLE

 

Affiche du Cuckoo Nest - Bruxelles 25 avril 1980

 

 

Vince Taylor, dès 1963 pourrait-on dire, est passé du statut d'idole éphémère et sulfureuse, mais ô combien fascinante, à celui d'artiste maudit et culte, une spécialité bien française qui colle au romantisme de ce pays.

 

À partir de 1964 plusieurs tentatives de retour au premier plan furent opérées, avec des succès artistiques divers, et généralement trop peu payées de retour sur un plan commercial.

 

Il n'empêche : celui qu'en Belgique certains surnommaient «le Lucifer du rock» dans ses années les plus flamboyantes – donc au début des sixties – est déjà depuis longtemps, en 1980 , une figure du rock dont l'importance réelle, dont l'impact exceptionnel qu'il exerce sur l'imaginaire des amoureux du rock and roll surpasse de très loin le volume de ses ventes de disques, qui en réalité n'ont jamais vraiment atteint des sommets.

 

Mais on sait très bien que les classements en tête des hit-parades et les succès qui s'enchaînent par dizaines ne sont jamais une garantie d'entrer véritablement au Panthéon du rock.

 

Certes, l'apport vertigineux d'Elvis ou des Beatles à cette musique est effectivement à la hauteur de leurs ventes qui pulvérisent les limites de l'imagination humaine. Et cela plus encore après leur disparition que durant leurs années d'activités ! Mais que de contre-exemples on pourrait opposer à cela.

 

Il suffit de se souvenir qu'un Pat Boone, par exemple, a vendu beaucoup plus de disques que Gene Vincent, Eddie Cochran et Buddy Holly réunis, cela même en ne considérant que l'époque où les trois grands rockers étaient de ce monde. Pat Boone leur survit, il est probablement milliardaire mais… so what?

 

En Belgique, au début des sixties, certains le surnommaient "le Lucifer du rock".

 

 

Pour en revenir à Vince, il sort d'une décennie 70 en demi-teintes, avec deux retours sur une scène parisienne : un très bon Bataclan en 1972, et un Olympia catastrophique en 1974 .

 

Paris - Le Bataclan - 15 mars 1972 © Michel Rose

 

 

Ce show raté est advenu neuf ans après ce qui peut être considéré comme sa plus grande performance : cette performance tétanisante, invraisemblable, parfaitement «inouïe» au sens originel : jamais entendue, en première partie des Stones à l'Olympia, le 17 avril 1965. Avec son plus grand groupe de tous les temps, le Bobbie Clarke Noise qui réussissait à surpasser en puissance pure, diabolique, dyonisiaque, et aussi en cohérence totale les Play-Boys qui furent déjà de si brillants acolytes dans ses premières années.

 

Mais le mois suivant, à la Locomotive qui égale voire surpasse peut-être le Golf Drouot comme haut lieu du rock – souvent anglo-saxon – à Paris, notre homme foire un spectacle en le démantibulant littéralement par des délires pseudo-mystiques dus à ses prises de drogues dures, qui lui vaudront de connaître les joies de l'hôpital psychiatrique.

 

Mais Vince Taylor- un être fantasque, imprévisible et aux fulgurances artistiques pouvant alterner avec des situations désastreuses- savait se relever et repartir vers son destin de rocker maudit, mais déterminé et persévérant quand il tombait sur un entourage capable et endurant à l'extrême, notre artiste étant tout sauf facile et régulier dans ses habitudes !

 

Tournée en Belgique en 1962

 

Le 21 juin 1979, on retrouve presque le grand showman félin et sauvage de naguère dans une circonstance exceptionnelle : il chante au Palace à Paris en introduction au film Le Roman d'Elvis (Elvis The Movie de John Carpenter), que le très fameux DJ américain Dick Clark –aujourd'hui disparu– est venu présenter à Paris.

 

Ce que ceux qui manquèrent le spectacle peuvent apprécier un beau soir d'été, le 13 août 1979 , dans cette émission intitulée Pour l'amour d'Elvis, sur Antenne 2… Pour présenter le film via quelques extraits, et bien entendu commémorer le décès vieux de deux ans du King . Mais Vince phagocyte le programme, bien que dédié au King, avec son show en complément de choix à cette avant-première !

 

On a eu l'idée judicieuse de le faire accompagner par un groupe de rockabilly anglais Matchbox qui bientôt mènera un grand mouvement de résurgence de ce style, avec une série de hits qui commencera dès novembre 1979 avec ce fameux hymne Rockabilly Rebel.

 

 

Avec ces accompagnateurs de haute volée Vince se déchaîne au Palace, comme revitalisé par une grande perfusion de vrai rock and roll importée de cette Albion où il avait fait ses classes mouvementées et épiques dix ans auparavant, avec une grande partie des meilleurs cadors anglais de l'époque : un maître de la Fender (Joe Moretti, l'homme de Shakin' All Over de Johnny Kidd and the Pirates en 1960), de futurs Shadows (Brian Locking, Brian Bennett), un batteur qui en France surtout, avec sa double grosse caisse exhibera partout son talent fabuleux (Bobbie Woodman, rebaptisé Clarke en France).

 

 

Vince Taylor à Paris au Palace (1979)

 

WERVICQ - LE CHALET - SEPTEMBRE 1979

En première partie, Vince se produit avec une veste blanche.

© Julien Even

 

Vince Taylor et Patrick Verbeke, alias Bec Vert- Wervicq, septembre 1979

En seconde partie, il a repris sa tenue de cuir. © Julien Even

 

 

Et très peu de temps après le Palace, le 23 septembre 1979, Antoine De Caunes le présente au théâtre de l'Empire à Paris pour la fameuse émission Chorus, sur Antenne 2.

 

Là plus de Matchbox mais un groupe français qui au départ devait se nommer – défense de rire – Bistrock ! Preuve que notre artiste lunatique n'est pas fou à plein temps – et précisons qu'il était aussi dans la vie un sacré comédien qui adorait désarçonner son monde – le chanteur refuse tout net un patronyme qui en effet conviendrait mieux aujourd'hui à un groupe de «rock» français qui serait emmené par, disons, un Patrick Sébastien ! On opte pour un autre nom :Magnum.

 

On peut voir dans les archives de l'INA un extrait de ce Chorus avec Vince livrant une version de Brand New Cadillac. Il semble un peu las, moins impliqué que pour cette grande fête pourtant si récente autour d'Elvis et de son film.

 

Le futur bluesman Patrick Verbeke à la guitare –surnommé déjà Bec Vert ! – et le bassiste Jacky Chalard (ex-musicien de Dynastie Crisis, qui accompagna un Polnareff qui ne le cède en rien à Taylor en anticonformisme lunatique) sont très bons, très compétents.

 

Mais d'eux il n'émane pas la grâce et la magie des Play-Boys, et pas plus la sauvagerie ultime et indépassable des incroyables Bobbie Clarke Noise.

 

Vince et Jacky Chalard à la basse © Julien Even

 

 

Comme on sait Jacky Chalard (*) posera bientôt une double casquette sur son crâne fertile, puisqu'il crée le label Big Beat, très bien suivi à l'époque en Belgique par Piero et ses collaborateurs de la rubrique rock de Télémoustique.

 

 

 

(*) En mai 1980 paraît un premier album de Vince Taylor avec cette nouvelle équipe dévouée : carrément un 25 cm , clin d'œil aux sixties, Luv , enregistré au studio Davout à Paris en janvier.

 

CUCKOO'S NEST - BRUXELLES - 25 AVRIL 1980

Cuckoo's Nest, le 25 avril 1980, rue du Poinçon © Julien Even

 

Lorsque Vince arrive à Bruxelles le 25 avril 1980, il est donc à l'orée d'un nouveau retour discographique qui sera assez bien accueilli, malgré un choix de reprises de classiques du rock qui manque un peu de personnalité, et d'originalité.

 

Vince s'est toujours abondamment livré, depuis ses tout débuts en 1958, à l'exercice de la reprise.

Mais si un classique est à jamais accolé à son nom, et repris par une foultitude d'artistes, c'est l'immortel Brand New Cadillac. (*)

 

Petit à petit, il commence à être connu d'une nouvelle génération de fans, en Angleterre. Même si ceux-ci n'ont pas la moindre idée des shows dantesques qu'il a offerts au public français, belge, suisse, allemand et autres, sans que ces moments d'une densité volcanique n'aient trouvé le moindre écho dans une Angleterre qui l'avait oublié. (**)

 

Le port du cuir noir qui est pour lui une seconde peau contribua aussi à le propulser largement au-dessus du lot, au point de désespérer le tout jeune Dick Rivers, présent parmi les deux cents spectateurs seulement, à sa première apparition à l'Olympia le 7 juillet 1961.

 

Dick qui pensa, de son propre aveu ultérieur, à se faire marchand de cacahuètes : il a pris une claque monumentale face à un professionnalisme hors d'atteinte pour les jeunes rockers français.

 

Un jeune banlieusard est venu de Juvisy pour assister au show, Christophe Bevilacqua – trois ans plus tard il deviendra le chanteur Christophe, et une grande vedette dès 1965. Un Christophe grand fou de rock et de blues, même si ses tubes ne le reflètent pas vraiment.

 

Retour en 1980 : un groupe londonien semble vouloir brûler le passé, et recommencer une nouvelle aventure, prendre l'époque à bras-le-corps et imposer leur révolte. Certains les prennent pour des iconoclastes, ces Clash, puisque c'est d'eux qu'il s'agit.

 

Vince au Cuckoo's Nest © Julien Even

 

À la mort d'Elvis, ne déclarent-ils pas : «Pas d'Elvis, de Stones, de Beatles en 1977 » ?

 

Eh bien les apparences sont trompeuses ! The Clash tournent aux États-Unis avec le grand Bo Diddley : cela se passe parfaitement. Et sur leur premier album (1979) London Calling , qui est un cri de rage à l'impact énorme, se trouve une version de… Brand New Cadillac !

 

Après la réédition Chiswick, le fil de la redécouverte continue à se dérouler.

 

Dans Rock and Folk de mars 1980, donc le mois précédant le gig au Cuckoo's Nest, interview du Clash.

 

Mick Jones commente ce titre, et leur reprise. «Un cri du cœur. Irrésistible. Le premier morceau qu'on joue, c'était celui de ce vieux Vince Taylor. Parce que nous, on respecte cette culture, on ressent cette musique. Vince va être riche avec ses royalties, si tu vois ce que je veux dire !»

 

(*) Que les amateurs anglais les plus avertis (re)découvrent dès le mois de mai 1976 quand le fameux label londonien Chiswick le réédite en 45 tours.

(**) Sans réaliser le potentiel explosif qui ne s'est pleinement révélé qu'en France, à partir de juillet 1961 – exactement les deux tout premiers shows à l'Olympia, les 7 et 8 juillet – où il tapa dans l'œil professionnel, et les oreilles de Barclay qui le signa sur-le-champ.

 

 

Eh bien non, «my Taylor is not rich». L'argent a toujours filé entre les doigts d'un chanteur qui était aussi, dans la vie, un poète à sa manière rigoureusement unique, un spécialiste d'un humour particulièrement biscornu et spécial, un séducteur sauvagement masculin qui a toujours eu l'art de réveiller chez d'innombrables conquêtes des désirs irrépressibles.

 

Sans entrer dans des détails, l'auteur de ces lignes, qui a assisté à de nombreux shows de Vince –mais à partir de la fin des années 70 – a été le témoin de certaines scènes de séduction-express assez impressionnantes du maestro-ck and roll.

 

Un personnage qui avec le naturel d'un grand fauve parvenait à dynamiter sans avoir l'air d'y toucher tous les codes, toutes les convenances, tous les faux-semblants nécessaires à la cohésion d'une société organisée.

 

Oui sans exagérer : un aimant à femmes. Un piège à filles (…qui n'était pas celui qu'évoquait avec ces mots Jacques Dutronc dans sa chanson… Les Play Boys  !).

 

Alors peu importe si ce show du Cuckoo's Nest – avec ce groupe sans grande flamme, et un chanteur qui assure un contrat ce soir-là sans vraiment aller plus loin - ne correspondait pas à l'affiche que l'on a vue avec tant d'émotion et d'incrédulité dans tout Bruxelles pour annoncer sa venue en ce lieu, celle qui montre le jeune rebelle Vince en pleine action, qui réveille tous les fantasmes des rock and rollers de cœur, d'esprit et de viscères .

 

Vince Taylor © Julien Even

 

Ceux-ci, dont certains parmi vous les internautes j'espère, lui gardent une place toute spéciale, inexpugnable dans le sanctuaire de leurs souvenirs. Sa Cadillac reste toute neuve, elle échappe au temps et ne s'arrête pas de vrombir.

 

 

 

 

 

C.N

BINCHE - AU PARADISE - 26 AVRIL 1980

À Binche, au Paradise, le 26 avril 1980

Jacky Chalard et Vince Taylor © Julien Even

 

OLYMPIA - PARIS - 30 JUIN 1980

Article paru dans Le Parisien - juin 1980

 

Vince Taylor et Screaming Lord Sutch, en peau de léopard © Julien Even

À la basse Jacky Chalard,  au solo, Patrick Verbeke

 

Moustique (en cuir jaune) - Vince et Lord Sutch © Julien Even

ÉPILOGUE

 

La décennie 80 se déroule ensuite de façon un peu erratique pour Vince, après la belle flambée des années 1979-1980.

 

En 1981, il donne quelques concerts avec un groupe toulousain Jezebel Rock, avec lequel le label Big Beat a été lancé.

 

Le premier est particulièrement mémorable : le 27 juin 1981, à Périgueux. Là pour la première fois, et à l'instigation des musiciens, Vince chante enfin quelques titres de son répertoire anglais, ignoré d'habitude, à l'exception de Brand New Cadillac. Le public a donc droit à I'll Be Your Hero et Jet Black Machine.

 

En 1983, il émigre en Suisse pour des raisons absolument pas fiscales !

Il épouse Nathalie Minster le 5 novembre 1983 à Épalinges.

 

Il décide de redevenir Brian Holden, un homme apaisé et épanoui selon ses dires.

 

Il lui arrive de chanter dans les années 1986 et 1987 avec un groupe suisse du nom de Rockstalgy, avec deux anciens Aiglons.

 

Mais dans sa dernière interview, publiée dans Genève Home Informations du 8 août 1991, il confie au journaliste Jean-Pierre Mathys qu'il a connu son plus grand plaisir de chanter…pour le club suisse de Johnny Hallyday ( !), cela en 1988 et 1989.

Il avoue avoir aimé son métier, mais il admet, bien que sans amertume, avoir été arnaqué à plusieurs reprises.

 

 

 

Ses plus belles années sont celles passées en Suisse ; son plus beau souvenir : son mariage !

 

Eh oui on n'en est plus au temps du Lucifer du rock, qui révulsait certains et en fascinait d'autres…

 

Alors que le 30 cm Big Beat Bien Compris est édité en 1987, avec des titres enregistrés en 1980 et 1981. Avec notamment quelques reprises d'Elvis, et ce très original Space Invaders qui colle bien au personnage étrange, spécial, comme venu d'ailleurs qu'a toujours été Vince Taylor.

 

Pour plus de tranquillité, Vince a quitté Épalinges pour vivre en paix à Lutry, au bord du lac Léman.

 

Malheureusement ce seront ses trois dernières années de vie…

 

Début 1991, il sent les premières atteintes du cancer qui l'emportera le 27 août 1991.

 

Chez lui, loin de l'hôpital qu'il a voulu déserter pour s'en aller tranquillement, entouré de l'amour de sa femme, et de sa belle-fille, la très belle Magali.

 

L'homme nous a quittés. Mais jamais le souvenir de ce si grand artiste finalement très méconnu, de cette flamboyante légende ne disparaîtra.

 

La légende de ce phénomène Vince Taylor demeure sur un tapis volant qui survole les époques.

 

 

 

C.N.

 

 

Un article de Christian Nauwelaers

Mise en page : Jean Jième

Photos : Julien Even

 

 

Plus d'infos : les premiers galas de Vince en Belgique en 1961