LES PIONNIERS DU ROCK

 

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Jean-Noël Coghe, reporter rock- bio
Piero Kenroll, le pionnier de la presse rock francophone
Ludo Debruyn - Lion Promotions - Mardeb.
Francine Arnaud, la maman du rock belge RTB
Paul Coerten, le photographe des années 60-80
Erik Machielsen - photos et chasseur d'autographe
Jean Martin, impresario
Jean-Hubert De Groot, album photo concerts et artistes des années 60
Genesis et la Belgique
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LES PIONNIERS DE L'HISTOIRE DU

ROCK EN BELGIQUE

JEAN MARTIN - L'IMPRÉSARIO DES SIXTIES

 

La bio de Jean Martin réalisée par Jean Jième

 

Jean Martin

Tous ceux qui ont, un tant soit peu, touché au milieu artistique dans les années 1960, l'ont connu ou ont travaillé avec lui. Jean Martin était incontournable.

 

Simultanément, animateur, présentateur, impresario d'une centaine de chanteurs, d'orchestres, d'artistes de music-hall ou de variétés, Jean Martin a fondé avec Stéphane Steeman et Jean-Claude Ménessier, un bureau destiné à trouver des contrats aux artistes et à défendre leurs intérêts. Ce bureau s'est appelé le Secrétariat des Artistes.

 

Pour ma part, j'ai eu l'occasion de le rencontrer à l'époque où je suis devenu le manager du groupe anglais The Shakespeares. Par la suite, nous avons travaillé ensemble par le biais de l'Agence Century et lui avons fourni des groupes anglais, notamment dans le cadre de la programmation du Festival de la Guitare d'Or à Ciney.

 

Plus tard, en 1969, il devient le manager exclusif du groupe le plus légendaire de Belgique The Wallace Collection.

 

Récemment recontacté par mes soins, Jean Martin a accepté de me confier ses documents d'archives. Je me suis mis patiemment à les scanner.

 

Sur base de mes diverses questions, Jean Martin a eu la gentillesse de me répondre longuement par écrit. Je l'en remercie. (J.Jième)

 

JEUNESSE SUR FOND DE GUERRE ...

 

Jean Martin : Je suis né à Bruxelles le 24 mars 1932. A cinq ans je perds mon papa qui nous laisse avec mes deux sœurs. Ma mère ne dispose d'aucun travail. C'est la misère noire. Puis arrive la guerre. On ne mange pas souvent à sa faim. Pour améliorer notre quotidien, je suis très vite devenu un enfant du système D. Tout était bon pour trouver de quoi manger. A neuf ans, je suis devenu un smokeleer ou, si vous préférez, un petit fraudeur.

 

Je parcourais régulièrement une vingtaine de kilomètres sur le pare-choc arrière des tramways vicinaux de l'époque, pour aller chercher dix kilos de pommes de terre chez les paysans d'Asse ou de Grimbergen… pour les revendre au double du prix à Bruxelles.

 

Je pourrais écrire un bouquin entier sur cette période de mon enfance. J'ai survécu à trois bombardements et à deux mitraillages. Malgré mon jeune âge, je suis parvenu à extirper plusieurs victimes des décombres fumants. J'ai dû aussi m'enfuir, avec sur mon dos, un copain atteint d'une balle, alors que nous venions de dévaliser un camion de vivres allemand. Tous ces chocs m'ont terriblement aguerri, mais jamais réellement endurci.

 

Ma seule bouée de sauvetage dans cette période sinistre émane d'un prêtre qui, heureusement pour moi, décida de s'occuper de moi et me permit d'accéder à des études supérieures. C'est de cette époque que date ma vocation d'animer, de diriger et de chanter.

 

A quinze ans, je dirigeais déjà un petit ensemble, style compagnons de la chanson, qui s'appelait Jean Martin et les troubadours. J'organisais aussi des spectacles de patronage, que je revendais aux paroisses bruxelloises. Je suis ainsi devenu avant l'âge : manager, animateur, chanteur, auteur de chansons et un peu plus tard, producteur d'un premier disque.

 

 

... ET DE SERVICE MILITAIRE

 

En février 1951, j'effectue mon service militaire à Bourg Léopold. Logé sous tentes dans la neige par moins cinq à moins dix, notre régiment subit les assauts des anciens qui viennent régulièrement défoncer nos tentes. Les bagarres de cette époque n'étaient pas de la rigolade. Mais ce n'est pas tout. Dans le même cantonnement, cohabitait une unité de parachutistes, volontaires pour la Corée ainsi qu'un régiment disciplinaire du deuxième chasseur, regroupant les cas graves d'insubordination. J'avais déjà le poing facile, mais là, j'ai vraiment appris à me battre comme un chiffonnier. Tout ça a duré dix-huit mois.

 

Finalement, je ne m'en suis pas trop mal tiré. J'avais appris quelques rudiments de techniques auprès d'un craqueur  (chiropracteur actuel). C'est donc chez moi qu'on venait pour réparer les foulures, les lumbagos et autres bobos musculaires. Je me suis débrouillé également pour entrer dans l'équipe de basket des forces belges d'occupation. Cela me permettait d'obtenir des congés. J'en profitais pour remplir certaines prestations d'animateur qui me permettaient d'améliorer la pitance quotidienne.

 

J'ai aussi repris mes petits trafics. Durant mes congés, je ramenais du café de Belgique vers l'Allemagne, encore occupée et en proie à une misère noire. Et d'Allemagne, je rapportais des valises pleines de  Tintenkulis, les premiers stylos à bille.

 

Si mon incorporation sous les drapeaux s'est déroulée sous la forme d'une énorme débrouille, je me suis surtout forgé un caractère de fer, qui me permet aujourd'hui, à 76 ans, de vivre avec Le Parkinson. Je donne actuellement des cours de gymnastique spécialement destinés aux malades atteints, comme moi, de cette lourde maladie. Le 30 juillet 1952, c'est la quille. Je quitte enfin l'Allemagne. J'ai vingt ans. Bien entendu, j'ai perdu tous mes contacts avec ma clientèle en tant qu'animateur-chanteur.

 

 

Jean Martin, infatigable animateur des podiums © E.Machielsen

 

LA VALSE DES GRANDS MAGASINS

 

Dans un premier temps, pour nouer les deux bouts, j'aide à décharger les camions pour le compte de Sarma… qui, au bout de huit jours, me fait passer magasinier. Un mois plus tard, on me demande de dresser l'inventaire des stocks qui intègrent la grande surface. Finalement, je suis gratifié du poste d'inspecteur en chef, chargé d'enquêter sur les vols et les disparitions suspectes de marchandises. Après trois années de gestion commerciale en cours du soir, je suis engagé au Bon Marché, au titre d'inspecteur général.

 

En même temps, j'ai repris ma place sur le marché des animateurs bilingues. Durant les week-ends, je recommence à animer bals et fêtes populaires. Quelques années plus tard, en 1960, après une nouvelle session de cours du soir, je décroche un diplôme à caractère universitaire qui me permettra de créer avec Jean-Claude Ménessier un service d'animation à l'Innovation.

 

ARTISTES ET MARCHÉ DU SPECTACLE : TOUT EST À INVENTER

 

Dans les années 50, les agents de spectacles opéraient tous de la même manière. Ils proposaient des programmations d'artistes faites sur mesures. Par exemple : un accordéoniste et un illusionniste pour huit cent francs belges chacun (20€), un présentateur-animateur pour mille francs (25€), un jongleur et une chanteuse pour quinze cent francs (38€) chacun. Soit au total cinq mille six cent francs (140€). Chaque artiste était payé individuellement par l'impresario… qui revendait le spectacle tout entier pour le double et parfois le triple.

 

Le plus actif à l'époque s'appelait Marcel Joos. Un jour, il m'engage pour un spectacle à Monceau-sur-Sambre. Je débarque et je tombe sur des affiches qui annoncent : Grand Spectacle de Variétés  avec Jean Martin ! Ma tête ! J'étais seul au programme. Me voilà pendant douze heures à occuper la scène, à raconter des histoires, à faire rire, à animer des jeux d'ambiance. Pour économiser mes cordes vocales, je faisais activement participer le public, ce qui me permettait de tenir plus longtemps que les autres animateurs. C'est d'ailleurs devenu ma grande spécialité, ma marque de fabrique.

 

Mon cachet prévoyait douze cent francs (30€) pour l'ensemble de ma prestation et de deux cent francs (5€) pour mes frais d'essence. Généralement, j'allais chercher mon cachet chez Marcel Joos dans le courant de la semaine. Quelle n'est pas ma surprise lorsque l'organisateur m'appelle pour me payer directement. Je jette un coup d'œil sur le contrat qu'il a signé avec l'impresario. Le cachet global portait sur cinq mille francs (125€) plus mille (25€) de transport. Et comme, il était en plus très content de moi, l'organisateur m'octroyait une prime de mille francs (25€). C'est ainsi que j'ai réalisé qu'il fallait que je me débrouille différemment pour la suite. Le calcul de rentabilité était vite fait.

 

"LA CHANCE TOURNE ENFIN POUR MOI"

 

 

 

 

Ma chance a tourné en 1958, à l'occasion de l'Expo 58. On m'a demandé d'animer un des estaminets du village de la Belgique Joyeuse.

 

J'y ai fait des centaines de rencontres qui m'ont définitivement mis sur orbite. J'y prestais de quatre à cinq fois par semaine dans les fêtes les plus diverses, bals, défilés, spectacles, manifestations publicitaires.

 

Puis, Stéphane Steeman m'a proposé de m'occuper du Grand Prix de Belgique des Variétés sponsorisé par Volkswagen et diffusé sur l'antenne d'RTL. C'est à cette occasion qu'est née la fameuse rengaine : Avec Volkswagen, pas de problèmes !

Ensuite, je suis devenu le programmateur des festivités annuelles du Woluwe Shopping Center et du Westland Shopping. Toujours avec Jean-Marie Hastier, responsable de la promotion, j'ai enclenché avec City 2.

 

J'ai orchestré vingt ouvertures de GB par d'énormes festivités. Cette grande surface avait pris pour option de créer une ambiance familiale et amicale en invitant artistes et vedettes en vogue. J'ai été jusqu'à programmer douze magasins par semaine.

 

Durant l'été, je ne chômais pas car je m'occupais de la programmation artistique de plusieurs villages de vacances pour le compte du Club Méd. et de cinq  Holiday Clubs.

 

 

Durant dix ans, j'ai été l'un des fournisseurs de shows de l'Armée Belge en Allemagne pour une vingtaine de garnisons.

 

C'est au cours de cette période que j'ai pu développer la carrière de la chanteuse Cricha Coktail, qui deviendra plus tard ma compagne d'aujourd'hui. Un très beau spectacle dans lequel elle était accompagnée par six musiciens, quatre danseuses et deux blacks.

 

Ce furent des années déferlantes souvent terribles à soutenir sur le plan physique. Je n'avais pas souvent l'occasion de dormir une nuit complète.

 

1961 - CRÉATION DU SECRÉTARIAT DES ARTISTES

Stephane Steeman 1960 J-Cl Menessier 1960

En 1961, en collaboration avec Stéphane Steeman et Jean-Claude Ménessier, j'ai fondé le Secrétariat des Artistes, qui comme son nom l'indique, accordait un service précieux aux intéressés : un bureau qui s'occupe de leur trouver des contrats.

 

Nous avons également créé une sorte de chartre de l'artiste, qu'il soit animateur, chanteur, musicien, danseur illusionniste, équilibriste, de manière à lui définir un statut et à lui garantir certains droits élémentaires.

 

Jean Martin - Stéphane Steeman - J.Cl. Ménessier

 

 

Un livret fut mis sur le marché avec les photos et les descriptions de dizaines de chanteurs et d'orchestres, stipulant leurs tarifs forfaitaires. A charge de ces artistes de remettre 10% de leur cachet au Secrétariat des Artistes. Voir CHARTRE COMPLETE.

 

Parmi les artistes qui avaient une renommée et qui formaient le noyau fort des spectacles organisés par ce Secrétariat des Artistes, avant la nouvelle vague musicale, il y avait :

 

Marc Aryan, Ann Christy, Robert Cogoi, Eddie Defacq, Jacques Hustin, Paul Louka, Marion, Stéphane Steeman, Tonia, Jean Vallée, Claudia Sylva, Andrée Simons, Lucienne Troka, Johnny White, Les Serpents noirs, Serge Davignac, André d'Anjou, Digno Garcia, Lily Vincent, Les Sunlights, Karin et Rebecca, Kiki.

 

L'ÉCURIE MARTIN : LES CHANTEURS

Marc Aryan - Jacques Hustin - Serge Davignac

 

Paul Louka - Robert Cogoi

 

Tonia - Claudia Sylva

GROUPES ROCK

Les Sunlights

Les Saphirs

Les Serpents Noirs

ORCHESTRES DE DANSE

André Brasseur, Les Saphirs, les Croque-Notes, Micky Day, Jean-Lou et son Bastringue,

Les Akors, Alex Scorier, Podonowski, Jo Alan.

 

André Brasseur 1960 Croque Notes 1960Jean Lou et son bastringue

André Brasseur - Les Croque-Notes - Jean-Lou et son bastringue

 

Ont suivi en rock et pop, ce que l'on dénommait les orchestres d'attraction : Jess and James, Soul Fingers, The Carnabys, Waterloo, Modus Vivendi et une vingtaine de petites formations qui travaillaient quand même des dizaines de fois par an pour notre organisation : The Soul Fingers, Screem Show , Carnabys, Happy Boys, The Jacksons, Bird and Bees, The New Comers, Moon Shine, Météores, Black Devils, Crash Machine, Créative Craniums, The Shadocks, Plazzma. J'ai invité les Croque–Morts, mais ils étaient incontrôlables.

 

Plus tard vinrent Two Man Sound, Lou and The Hollywood Bananas

 

Sur Bruxelles, j'avais très peu de concurrents si ce n'est Kerch entre autre. Par contre à Liège, je devais compter avec Constant Defourny, qui avait Frédéric François en exclusivité et avec Jean Van Loo à Mouscron, patron du Twenty Club et manager des Sunlights. Ces derniers ont su imposer leurs artistes sur Paris souvent grâce à Roger Meulemans de Vogue Belgique.

 

ADAMO, JE N'Y AI PAS CRU !

La plus belle période dans ma vie professionnelle se situe bien avant mon implication dans le Wallace Collection. Au cours de la décennie 60, j'ai managé presque toutes les vedettes de l'époque à l'exception de Salvatore Adamo.

 

Louper le phénomène Adamo a été l'une de mes plus sévères erreurs professionnelles. Michel Lemaire me l'a amené plusieurs fois, mais hélas je n'appréciais pas sa voix. J'ai préféré le laisser filer chez Biloy. Je ne le regrette toujours pas, car j'estime qu'il aurait été malhonnête de ma part de le placer dans mon écurie sans croire en son talent. Il méritait quelqu'un qui croit en lui. Je reconnais que ce fut une erreur magistrale, mais Salvatore n'avait que dix-sept ans à l'époque. Et qui aurait pu prévoir les progrès qu'il allait produire pour devenir et rester encore aujourd'hui aussi apprécié du grand public ?

CLUB DE L'INNOVATION : LES JEUNES TIGES

 

The Sylvester's Team Le décor est dû à Lombardo,

qui décora Les Gémeaux.

La direction de l'Inno à Bruxelles, s'est très vite rendu compte de l'engouement des jeunes pour l'achat des disques, vêtements, bottes, cirés, gadgets divers. Elle m' a alors demandé de créer un club (très BCBG) qui ferait venir des orchestres de rock mais où l'on ne servirait que des sodas, du thé ou du chocolat chaud pour ne pas effrayer les parents.

Le club s'est appelé Les Jeunes Tiges.  Mais très vite, après la venue de Vince Taylor, de Dick Rivers et de quelques autres vedettes, on a émigré… vers la salle de la Madeleine où s‘y sont multipliées les après-midis-concerts.

 

 

Le club a pris une telle ampleur qu'on s'est retrouvé avec cinq mille cotisants, rien qu'à Bruxelles. Bien que la carte de membre et les activités qui lui étaient liées soient payantes ! C'est ainsi que j'ai pu aider à lancer diverses carrières de nombreux groupes belges comme les Croque-Morts, Les Navarros, Les Magnétiques, Lucky Jones, The Klan, The Dawns, Les Anges Noirs et le groupe anglais The Shake Spears et le Sylvester's Team.

 

 

The Damw's rock belge

The Damw's

Les Magnétiques

The Navarons

The Navarons

LE FESTIVAL DE LA GUITARE D'OR A CINEY

 

Par le canal de la section Namuroise du Club Les Jeunes Tiges s'est mis en place un événement musical important dont j'ai toujours été très fier : le Festival de la Guitare d'Or de Ciney. J'ai eu la chance d'être magnifiquement soutenu par Monsieur Maison du quotidien LA MEUSE ainsi que par le bouillant bourgmestre de Ciney, Monsieur Lambert.

 

De 1956 à 1970, se sont déroulées quatorze manifestations réunissant de onze à vingt mille personnes, sans jamais connaître le moindre incident.

Il faudrait une longue recherche pour retrouver le palmarès des vedettes qui ont fait le succès de ces grandes messes durant lesquelles des dizaines d'orchestres amateurs se succédaient dès 10 heures du matin jusqu'à minuit, avec moi pour unique animateur.

 

Les vainqueurs les plus connus de ces compétitions et qui ont fait carrière ont été Les Serpents Noirs managés par Jos Vanesse, qui a longtemps représenté le Secrétariat des Artistes pour la région liégeoise ainsi que les Sunlights managés par Jean Van Loo.

 

Parmi les grosses vedettes,  j'aimerais citer Sandie Shaw (1966), celle qu'on appelait la chanteuse aux pieds nus, de Donovan (1967), de Jacques Dutronc (1968), de Barry Ryan et de Barclay James Harvest (1969). En 70, de Family et en 71 des Tremeloes.

 

Liste des artistes qui sont passés au Festival de la Guitare d'or à Ciney entre 1966 et 1971 http://users.skynet.be/bk338984/ciney.html

 

SANDY SHAW - FAMILY

Family

Les Parisiennes

Sandie Shaw

 

Contrairement aux festivaliers de Chatelet, les artistes qui se sont produits à Ciney n'ont pas eu vraiment à souffrir des chahuts organisés par la clique du Club des Aigles. Tomates et mottes de terre ont assez peu volé sur le podium dans la mesure où Piero Kenroll a toujours respecté mon travail, même si nous n'étions pas toujours sur la même longueur d'onde. Par contre on ne peut pas en dire autant pour Frank Alamo, les Surfs ou les Parisiennes. Ils et elles n'ont pas dû garder de très bons souvenirs de leur passage à Ciney.

 

LES FOLLES SOIREES DANSANTES

 

A la salle de la Madeleine, avec un complice des plus sympathiques, Guy Lion directeur de l'hebdomadaire gratuit Belgique No 1, nous avons commis des soirées mémorables réunissant plus de quinze cent personnes à l'occasion des  Folles Nuits Des Catherinettes , des Folles Nuits de la St Valentin  et des fameuses Journées des Fonctionnaires , le 2 janvier, qui permettaient aux chefs de services d'inviter leur secrétaire pour un slow dont certains rêvaient depuis longtemps. C'est aussi avec Guy Lion que nous avons réalisé la tournée qui m'a le plus marqué et dont les souvenirs sont à jamais gravés dans ma mémoire, celle avec Jacques Brel.

 

Avec mon ami Jan Theys, j'ai animé dans les deux langues les  Fêtes de la bière les plus incroyables de Belgique, à Wieze. Cet écolage, avec la complicité des grandes brasseries belges, m'a amené à célébrer une impressionnante série de grandes messes de la bière, dans le nord de la France. Il s'agissait d'amener le public à exécuter sur des musiques très appropriées des gesticulations, balancements, déhanchements divers, dont le seul but était de dilater les estomacs pour que la bière descende avec plus de fluidité. Ces fiestas ont eu un tel succès que les bières belges sont devenues incontournables en France.

 

LES ANIMATIONS SUR LA CÔTE BELGE

 

J'ai été le grand spécialiste des tournées de jeux publicitaires sur la côte belge. Je démarrais par Ostende et descendais jusqu'à La Panne, puis je recommençais en sens inverse. On arrivait en camionnette bariolée d'affichettes publicitaires avec deux étudiants. Je m'arrêtais sur la digue, et tandis qu'ils installaient la sono, je lançais toute une série de jeux pour les gosses et leurs parents. On distribuait quantité de gadgets, de petits cadeaux, quelques 45 tours, des albums et des BD. C'était la folie. On réunissait jusqu'à mille participants par jour.

 

Jean Martin

Jean Martin, animateur de tournées sur la côte belge

 

Ces tournées ont pris une telle ampleur qu'en 1960, je me suis retrouvé responsable d'une dizaine de tournées d'animations simultanées pour le compte de Spirou, de Femmes d'Aujourd'hui (avec pour animateurs Stéphane Steeman et Carlo Bertels), d'Univers Ola (avec Michel Lemaire) dans une animation Spécial Cow-boys. Puis un spectacle itinérant Diekirch sur une plateau-remorque unique à l'époque. Une tournée jus de fruits réservée aux enfants qui acceptaient de se déguiser en bouteilles de Cécémel. Enfin, une tournée pour Martini avec des cascadeurs automobiles qui roulaient sur deux roues. En tout soixante artistes et attractions employés rien que sur la côte sur les deux mois.

 

L'année suivante, en 1961, j'ai été engagé pour La Voix du Nord afin d'animer un xième spectacle pour enfants. Sur le même podium que moi et en duo, je me suis retrouvé avec un autre Martin, un certain Jacques. A deux, on développait déjà le jeu de la meilleure prestation enfantine. La personnalité de Jacques Martin reste immense dans mon souvenir.

 

UNE MACHINE À PROGRAMMER DES SPECTACLES

 

Le Secrétariat des Artistes était une formidable machine à produire des spectacles. J'essayais de répondre à tous les types de demandes qu'elles soient d'ordre artistique, commerciales, publicitaires, promotionnelles etc… Je disposais d'un énorme réservoir de talents dans tous les domaines de la variété, du music hall, du cirque et par la suite des artistes pop.

 

Je pouvais fournir des animateurs, des présentateurs, des acrobates, des danseurs, des magiciens, des majorettes, des clowns, des chanteurs de variétés, des orchestres de bal dans n'importe quel style. Et puis bien sûr les têtes d'affiches françaises.

 

Cricha

Cricha

 

A gauche : L'orchestre de Podonowski

 

ET LE ROCK DANS TOUT ÇA ?

 

Durant toutes ces années, je n'ai jamais essayé de me spécialiser dans le rock. J'avais suffisamment de boulot avec la variété et le music-hall. Dans la vie on ne peut pas tout faire. Ceci dit, je suivais l'évolution de près. J'ai par exemple organisé des compétitions - auditions pour permettre à des groupes débutants de se faire connaître. J'ai essayéégalement de m'occuper des Pebbles, Jess and James, Croque-Morts et plus tard Jenghiz Khan, mais malgré mes efforts, je ne suis jamais parvenu à leur assurer un rendement intéressant sur le plan des contrats.

 

Pour ma part, l'un des meilleurs groupes de rock qui se soit monté en Belgique et que je n'ai pas réussi à imposer reste celui de Jacky Mauer, le fameux batteur rouquin à la grande gueule, un peu fêlé comme il le dit lui-même : les Waterloo. C'était un groupe fabuleux, c'est mon plus grand raté sur le plan rock. Autre regret, un groupe d'une originalité étonnante Modus Vivendi, des compositeurs exceptionnels.

 

Et puis, il faut bien le dire, j'ai souffert d'un boycott systématique de la part des animateurs de la RTB. J'ai, en effet, été à la base d'une initiative qui ne leur a pas plu du tout. Comme les radios belges ne consacraient que 3% de leur programmation de disques à des artistes nationaux et 97% à la vague anglo-saxonne , j'ai essayé de forcer le pourcentage jusqu'à 20%. Comme, ces Messieurs ne réagissaient pas, j'ai poussé l'audace jusqu'à organiser Place Flagey, c'est à dire sous leur nez, un grand show réunissant tous les artistes inscrits au Secrétariat des Artistes (*).

 

(*) Le spectacle eu lieu sous le chapiteau du Cirque Bouglione loué tout spécialement pour l'événement.

En agissant de la sorte, je me suis mis la direction de la radio définitivement à dos. Désormais, plus aucune de mes productions n'a eu droit à l'antenne. Je pense notamment aux six singles que j'ai réalisés avec Cricha Coktail. Elle n'est jamais passée sur les ondes de la RTB. J'aurais dû me tourner bien plus tôt vers l'étranger. Mais rappelons que l'Europe n'existait pas encore. Ainsi, me suis-je fait expulser de France sur plainte de l'union des impresarii. Ils m'ont même poursuivi pour avoir envoyé des offres commerciales depuis la Belgique.

 

L'AVENTURE DES WALLACE COLLECTION

(lire la bio complète : ICI)

 

 

Lorsqu'en 1968, Sylvain Van Holmen me parle d'un projet qui consiste associer des musiciens de rock à des musiciens classiques et de jazz, ce projet m'apparait tellement utopique que je me demande s'il n'est pas tombé sur la tête. Et pourtant son idée se révélera géniale.

 

En quelques semaines, Sylvain parvient à persuader Marc Hérouet, pianiste de jazz, à le rejoindre. Ensuite, il part à la recherche d'un violoniste, qu'il découvre en la personne de Raymond Vincent, premier prix de Conservatoire à l'Orchestre National. Pour contrebalancer les guitares électriques, Raymond s'adjoint Jacques Namotte, violoncelliste. Ensemble, ils décident d'électrifier leurs instruments à cordes. Avec Christian Janssen à la basse et Freddy Nieuland, à la guitare, le groupe est désormais au complet.

 

Inlassablement, durant six mois, dans une cave près de la gare du Nord, ils vont composer une douzaine de titres. Et ensuite les parachever, les fignoler pour leur donner un son très particulier qu'on appela plus tard le  son Wallace.

J'assiste à une de leurs répétitions et je suis estomaqué. Pour moi, ils sont aussi bons que les Beatles.

 

 Lorsque Sylvain me propose de devenir leur impresario, je suis le conseiller artistique des plus grandes festivités de Bruxelles et de Wallonie. Je suis en contact avec toutes les vedettes françaises que je fais venir régulièrement en Belgique. Je suis dans la production de disques. J'ai mes bureaux à l'Avenue de Tervueren, je dispose de deux secrétaires, je roule en Mercédès, j'ai un peu d'argent devant moi. Tout va donc superbement bien dans ma vie sur le plan professionnel. Ceci dit, je n'ai aucune expérience sur le plan du management international. Pire, je ne parle pas un mot d'anglais.

 

Ce n'est pas tout ! Sylvain assujettit sa proposition à une condition de taille : que son groupe (qui n'a toujours pas du nom) puisse enregistrer et être produit à Londres. A l'époque, c'est impossible. Aucun groupe ne l'a jamais fait. Le hasard voudra que ce soit EMI, la firme de disques des Beatles, qui se montrera intéressée.

 

On connait la suite. Les Wallace Collection cartonnent avec Daydream. Leur ascension dans le monde est fulgurante. Ils sont demandés dans toute l'Europe, ils sont accueillis comme des stars au Brésil. Il me faudrait un livre entier pour narrer cette expérience aussi exceptionnelle que frustrante et finalement désastreuse pour moi sur le plan financier.

 

Pendant des mois, je vais parcourir l'Europe à leurs côtés, tentant de ne pas trop me gourer dans les contrats que je suis amené à signer.

 

Mais dès le départ, le sort s'acharnera contre nous : vol de leur matériel flambant neuf ainsi que de leur van, blagues à répétitions aussi idiotes que désastreuses de la part des musiciens qui s'attirent les foudres de nombreux professionnels.

Je ne suis pas en reste. Je nage dans un monde de requins auxquels je ne suis pas habitué; je ne maîtrise pas assez l'anglais que pour faire front; je suis utilisé et manipulé par la William Moris Agency. Je dois refuser un contrat avec le français Marouani, qui ne me le pardonnera jamais. Bref, lorsque l'aventure prendra fin en 1971 avec la dissolution du groupe, je me retrouverai tout bonnement ruiné.

 

Si j'apporte ces précisions, c'est parce que ce groupe m'a fait connaître les moments les plus exaltants de ma vie. Mais que malgré toute l'énergie que je lui ai consacrée, il m'a conduit à la catastrophe. En deux ans j'ai perdu presque toute ma clientèle, mes meilleurs artistes en exclusivité, et même la Mercédès. Le Secrétariat des Artistes sera à reconstruire complètement. Je mettrai des années à m'en remettre.... si je m'en suis jamais remis!

 

Et pourtant comme dit la chanson : je ne regrette rien. Je tiens juste à couper court aux rumeurs d'enrichissement personnel. Dès le départ j'ai proposé un contrat dans lequel j'étais en partage financier au même titre que chacun des musiciens. Malgré nos aventures les plus folles, personne d'entre nous ne s'est jamais enrichi. La firme de disques oui ... et ceux qui ont composé les morceaux !

 

L'APRÈS WALLACE : TOUT EST À RECONSTRUIRE

Tout un temps, je me suis occupé des animations à la patinoire de Forest National. En même temps, j'ai tenu aussi le Rocking Club. Avec Piero Kenroll, j'ai participé au financement et à la réalisation du journal Rock  En Attendant. Ensuite, je me suis évertué à essayer de reproduire le Rocking Club à la Salle 1020, rue de Moorslede à Laeken. Mais dès le premier concert, la commune me sommait de stopper cette activité, sur plainte d'un seul riverain qui connaissait le Bourgmestre.

 

J'ai alors transformé et insonorisé cette salle et demandé à Annie Cordy d'en accepter le parrainage. Lorsqu'elle a accepté, je l'ai rebaptisé Centre Annie Cordy. Avec le concours de Marcel Vancauteren ( Marcel Henry), j'y ai remonté les revues du Théâtre de la Gaieté de la Belle époque; j'ai accueilli l'équipe de la ligue belge d'improvisation et réalisé nombre de programmes de variétés. Des subsides m'ont été promis maintes fois, mais je n'ai jamais rien vu venir. Un joir, j'ai vu arriver le ministre Paul Van Den Boeynants qui a eu cette réaction curieuse, il m'a dit : Mais elle est très bien cette salle, une belle scène, de bons éclairages, une bonne sono, que vous faut-il de plus ?  Sans aucun subsides, je suis parvenu à tenir le coup durant huit ans.

 

Finalement j'ai repris d'abord seul le Studio Madeleine. Par la suite, Lou Deprijk m'a rejoint.

 

Aujourd'hui à 76 ans, atteint de Parkinson, Jean mène un combat difficile contre la maladie. Refusant de se laisser réduire par le sort et fort de ses connaissances en chiro, il a imaginé une série d'exercices de gymnastique bien spécifiques baptisés la Méthode PARKINSONMOVE. Cette méthode lui permet de maintenir la grande forme. Il la diffuse sous forme d'un DVD et d'un CD. Voilà qui permet aux autres parkinsoniens d'améliorer considérablement leur vie de chaque jour.

 

Jean reste en effet plus alerte que jamais. Difficile de l'attraper même pour une interview. Il faut dire qu'il se retrouve la moitié du temps à Kinshasa où il développe la carrière artistique de chanteurs et d'orchestres. Il s'occupe notamment de Koffi Olomidé, Tshala Muana, Choc Stars, Zaïko, Seigneur Rochereau, véritables vedettes dans leur pays et reçues par les tous les grands chefs d'états africains.

 

Il est décédé en novembre 2018.

 

(propos recueillis par J.Jième)

 

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