CHRONIQUE 1966- 1972

 

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AGENDA DES CONCERTS

Agenda des concerts rock en Belgique - Année 1968

Agenda des concerts rock en Belgique - Année 1969

 

Agenda des concerts rock en Belgique - Année 1970

 

Agenda des concerts rock en Belgique - Année 1971

 

Agenda des concerts rock

en Belgique - Année 1972

 

*

Agenda des concerts rock/pop au Théâtre 140 de 1965 à 1972

 

FESTIVALS POP

Pop-Event à Deurne Arena 21 juin 1969

Festival Jazz Bilzen 1966

Festival Jazz Bilzen 1967

Festival Jazz Bilzen 1968

 

Festival Jazz Bilzen 1969

 

Festival Jazz Bilzen 1970

 

Festival Jazz Bilzen 1971

 

Festival Jazz Bilzen 1972

 

 

Festival de Châtelet 1966

 

Festival de Châtelet 1967

 

Festival de Châtelet 1968

 

Festival de Woodstock 1969

Free Show Wolu Shopping Center - juin 1971

Free Show Wolu Shopping Center - octobre1971

 

Festival Actuel -Amougies

- Mont de l'Enclus 1969

 

Pop Hot Show 1 du 6 novembre 1969- Salle de la Madeleine

 

Pop Hot Show 2 du 20 décembre 1969 -Salle Newton

 

Pop Hot Show 3 du 7 mai 1970 -Moustier sur Sambre

 

Pop Hot Show 4 des 17 -18 mai 1970- Trazegnies

 

Pop Hot Show 5 du 5 septembre 1970 - Huy-Andenne

 

Cocoripop Charleroi 1971

 

Pop Circus 30 avril 1972 à Liège

 

Festival Guitare d'Or Ciney 1966 -1968

 

Festival Guitare d'Or

Ciney 1969 -1971

Rac Pop Festival 69

 

Le parapluie des vedettes Huy 1966 - 1968

 

Island Show - Londerzeel octobre 69

 

Festival Ile de Wight

août 1970

 

Festivals à Jemelle 1969-1973)

 

Wolu City 1966

 

Wolu City 1967

 

Wolu City 1968

 

Festival France

Seloncourt 18 et 19/9/1971- Pete Brown

 

GROUPES ÉTRANGERS

 

Atomic Rooster en Belgique 1972

 

Cliff Richard - Marvin, Welch, Farrar -Olivia Newton-John -Anvers 1971

 

Doors en Belgique 1972

 

Everly Brothers Roma 1972

 

Fleetwood Mac en Belgique 1970

 

Golden Earring en Belgique 1971-1973

 

Genesis en Belgique 1971-72

 

Hollies et Move à Gand au Sportpaleis en 1969

 

Jethro Tull - Belgique 1972

 

Jimi Hendrix en Belgique 1967

 

Kinks en Belgique 1966

 

Led Zeppelin en Belgique mai 1972

 

Mike Stuart Span 1968

 

Pink Floyd Belgique - Théâtre 140

 

Rolling Stones Bruxelles 1966

 

Spencer Davis Group en Belgique

 

Shake Spears : chapit 1 - Période 1965-66

 

Shake Spears : chapit 2 - Période 1967

 

Shakespeares : chapit

3 - Période 1968

 

Shakespeares : chapit 4 - Période 1969

 

Shakespeares : chapit 5 - 1969 - La dérive espagnole.

 

Sweet en Belgique 1971-72

 

Tremeloes - Festival Ciney 1971

 

Who en Belgique 1967

Wings-Roma 1972

PHOTOS

 

Photos de rockstars 1966-1969 Belgium - Holland-England

 

Rockstars 1970-1972 in Belgium-Holland-England

 

Théâtre 140 - 36 Hr underground -Yes -Ten Years After - Nice

 

DISCOTHÈQUE

AVIS CRITIQUES

 

Albums 1971

(sept-déc)

 

DANCINGS

 

Dancings sur la côte belge - années '60

 

Wallace Collection 1968 Répétitions aux Gémeaux

 

Dancing Le Grenier Antre du rock

 

Cheetah Club, temple du rock

 

Discothèque Les Gémeaux

 

Club Dancing Le Puzzle

 

Ferme V. Story - 1965-1974

 

Le Pop and Soul

 

SALLE DE SPECTACLE

 

Palais des Beaux-Arts s'ouvre au rock - 1970

 

MEDIA

 

British Week à Bruxelles - 1967.

 

Summer of love et Flower Power vus par le magazine Juke Box (1967)

 

Culture Pop : Mersey Beat Années Hippies Flower Power - Psychedelisme.

Swinging London ''60

 

Show-Biz en Belgique dans les années 60

 

Pop Shop - Émission rock RTB - 1970-1973

 

Filles des années 60 - Models sixties

CHRONIQUE 1960-1965 CHRONIQUE 1966-1972 CHRONIQUE 1973-1980 LES PIONNIERS DU ROCK GROUPES ROCK
BELGES

BIBLIO ROCK CINÉS DU CENTRE VILLE CINÉS DE QUARTIER PROGRAMMATION TOUT BRUXELLES CINÉ DOCS
 

 

 

LES FESTIVALS POP DE JEMELLE

(1969-1973)

 

Historique

 

C'est en août 1969 qu'à partir de festivités liées au folklore culinaire local ( les fêtes de la d'jote : sorte de stoemp accompagné de saucisses) que l'équipe de la Maison des Jeunes de Jemelle décide d'ajouter un volet musical plus moderne au programme habituel basé sur le classique Oberbayern et le récital d'un chanteur populaire de la région.

Ce sont d'abord les Carnaby's, suivis du Wallace Collection, en pleine ascension avec leur tube Daydream, qui enflammeront le chapiteau.

 

En 1970, le programme s'étoffe quelque peu avec la venue des Tenderfoot Kids, Kleptomania, Ferré Grignard et les Pebbles. Mais les choses vont prendre vraiment de l'ampleur à partir de 1971.

 

 

ÉDITION 1971

SAMEDI 8 AOÛT

 

AU PROGRAMME

Présenté par Piero Kenroll

 

Les amateurs de pop vont pouvoir se régaler ce dimanche 8 août. Un festival se déroule à JEMELLE, près de Rochefort (je me suis laissé dire que c'est le pays du jambon fumé !). Non seulement nous aurons droit à la musique, mais aussi, et ce sans supplément, nous pourrons profiter de l'air pur de nos Ardennes (ainsi que du jambon fumé !). (Oh ! la ferme !) Si on passait à ce qui vous intéresse : « the music ». (YEAH ! Clap your hands !) Première constatation : « Mes aïeux, quel festin ce sera, ce festival de Jemelle ! ».

 

 

Article de Jean-Luc Crucifix

Télé Moustique N° 2375

rubrique Hot.

 

Stany Cuvelier, l'âme des festivals de Jemelle

 

Collection Philippe Collignon

 

 

 

Comme tout repas, celui de Jemelle commence par l'apéritif. Il sera assez long, précisons-le tout de suite, puisqu'il commence vers dix heures pour se terminer aux environs de quatorze heures. Il sera constitué de groupes amateurs ou semi-amateurs (cela leur ferait plaisir si on les appelait semi­-professionnels). Certaines des boissons qu'ils nous proposeront seront peut-être inodores, incolores et insipides (H2O), mais nous avons déjà supporté tellement de sons biscornus durant certaines manifestations que nous subirons sans trop de difficultés la musique prodiguée à grands effets de scène par les quelques groupes-apéros ! Et puis, peut-être, qui sait ? Une révélation apparaîtra sous le ciel de Jemelle. L'apéritif serait alors un champagne brut bien frappé !

 

Doctor Down Trip

 

Mais voilà que nous sommes déjà mis en appétit pour le reste du repas. Aux environs de quatorze heures, on nous présentera une entrée froide, et il y a fort à gager que nous ne résisterons pas à l'invitation qui nous est faite : il s'agit de DOCTOR DOWN TRIP. Il est plus que probable qu'ils nous emmèneront faire un « good trip », car leur musique, à défaut d'être profondément originale, n'en est pas moins solide et, finalement, plaisante. Cela fait pas mal de temps que le groupe ne s'est plus produit à une grande manifestation, et ce serait intéressant de le revoir dans ses œuvres.

 

Mais le temps du repas nous est compté : à quinze heures, il sera temps de passer au potage. C'est un potage spécial qui a pour nom LAGGER BLUES MACHINE.

 

Lagger Blues Machine

 

 

Le plus souvent, il s'agit d'une crème onctueuse, comme grand-mère savait si bien les préparer ; mais on y a ajouté des boulettes plus « heavy » et quelques croûtons-solo de batterie. De toute façon, vous pouvez me croire lorsque je vous affirme que vous ne trou­ verez pas la recette. Même avec l'aide du grand frère qui est à l'école d'hôtellerie !

 

Seize heures. L'entrée chaude : le CARRIAGE COMPANY « Petit-Bruxelles » sur canapé ! (Pour la première fois au monde, un groupe pop va se produire sur canapé !) (Et dire qu'il y en a qui vont prendre cela au sérieux.)

 

Carriage Company

 

Ceci nous mène au plat consistant, qui est constitué par le JENGHIZ KHAN. Avec « Big Friswa », nul doute qu'il soit consistant ! C'est un plat assez copieux et, ce qui ne gâche rien, plutôt raffiné. On peut déjà présager qu'il sera fort apprécié, si l'on en juge par l'accueil qu'on lui avait déjà réservé à Ciney. Les carottes sont cuites, ajouterons-nous pour rester dans le style culinaire.

 

Jenghiz Khan

 

Il nous reste le dessert. Aaaah!!! C'est alors que les grands enfants que nous sommes vont se précipiter pour avoir le plus gros morceau ! Il sera alors dix-huit heures. Les deux desserts nous viennent de l'étranger, ce qui les rend encore plus rares. Ne laissons donc pas passer l'occasion.

 

 

GENESIS

Peter Gabriel - Genesis

 

Les caramels anglais sont réputés de par le monde, et Genesis voudra en fournir la preuve. Vous lécherez leur musique et n'en démordrez plus, et il se pourrait même que vous en baviez !

 

Je n'en dis pas plus sur ce qui promet d'être un des meilleurs festins pop de l'année. J'ajouterai simplement que, pour digérer, on a prévu un bal qui commencerait (si le public le permet) à vingt et une heures. Et pour digérer tout à fait, il y a encore, suprême gâterie, Jean-François Michaël.

 

 

 

GOLDEN EARRING

 

Comme nous sommes chez des gens de bien, nous aurons tout d'abord droit au plateau de fromage. Et de fait, le plateau sera bel et bien occupé par quatre jeunes Hollandais (quoi de plus normal, puisqu'il s'agit de fromage ?). Le fromage ? Eh bien, ce sera vraisemblablement du vieux Gouda tout craquelé ; vous savez, celui que l'on n'a 'crainte de faire rouler par terre, tant il est rude.

 

Ce sera le GOLDEN EARRING, dans toute sa splendeur, après son triomphe au free-show de Woluwé. Il sera dur, bien épicé, bien gras, et vous ne vous apercevrez même pas que vous avalez un morceau de fromage, tant il est délicieux.

 

 

Golden Earring

 

Pour terminer en apothéose, la sucrerie nous vient directement d'Angleterre : il s'agit, ni plus ni moins, de GENESIS, ce groupe parfaitement équilibré qui base son succès sur les contrastes de sa musique.

 

 

 

John Valcke et Peter Gabriel

 

LE SHOW DE GENESIS

ADMIRABLE DÉLIRE

 

Compte-rendu de Jean-Luc Crucifix

(Extrait Rubrique Hot - Magazine Télé Moustique N° 2377)

 

Les douze cordes vibrent métalliquement. Le bois verni tremble, et l'effet est accentué par le jeu des reflets. Dix doigts frôlent les notes, les touchent et les accentuent quelques fois avec une régularité et une précision remarquables. Dix doigts exploitent les accords, leur font dire ce qu'ils ont à dire. Dix doigts pénètrent les accords. Puis une autre guitare entre dans la danse. Six cordes. Six cordes qui claquent ensemble, dans des registres différents. Les deux guitaristes se lancent, s'élancent, se poursuivent, enjambant les obstacles que constituent les notes. Ils dépassent les notes, ils atteignent la Musique. Ils s'en emparent pour mieux la donner et pour mieux se donner. Ils sont là sur la scène et pourtant ils sont autre part. Ils sont dans un Esprit et voudraient que tout le monde collabore à cet Esprit. Le tambourin malade frémit, frappe à intervalles réguliers, tellement réguliers qu'on ne l'entend plus : déjà il fait partie de la machine musique - mais ce n'est pas une machine. Les maracas coulent, battent, se balancent. Les mains se dissolvent sous elles. Les mains disparaissent, parce qu'il n'est pas besoin de mains pour faire une musique. La douceur - de cette fausse douceur qui annonce un événement inattendu - s'empare de l'ambiance, la fait sienne pour mieux s'y opposer l'heure venue. A certains moments privilégiés, la pénétration est intense au point de faire oublier qu'il y a pénétration. Bribes de fredonnement.

 

Peter Gabriel

 

Peter articule un mot. Une phrase. Comme un petit enfant sage qui voudrait obtenir une sucrerie. Son visage respire - et provoque - la gentillesse, son visage , mouvant, suit sans cesse les fluctuations sonores. Son visage rit, pleure, dans une désolation vraie ou fausse ; l'avenir nous dira où se trouve la vérité et où se cantonne la fausseté. Léger sourire de sympathie, de mise en confiance : tout à l'heure, il faudra viser juste, plus juste que ne l'attendent les membres de l'assemblée. Sans quoi la soirée et la musique seraient irrémédiablement perdues, perdues par la musique elle-même. Perdues par des sons dissous et des rythmes approximatifs. Il faut ce soir (tous les soirs) jouer le grand jeu, le jeu du public. Car le public est un grand jouet, très fragile, parce qu'il peut se rompre à chaque instant ; très important, parce qu'il est composé d'individualités qui pensent - qui sont susceptibles de penser.

 

 

Fredonnement. Une phrase. Une chanson. Sourire. Grimace. Les tam-tams se mettent en branle. Lourdement. Peter frappe, tape. Phil donne à sa batterie l'aspect de machine. La batterie devient une arme, la grosse caisse devient un gros canon, les guitares deviennent autant de mitrailleuses. La fluidité de l'orgue devient subitement plus dure, se casse et laisse entendre des craquements de toutes parts. Des mâchoires s'ouvrent, se referment, s'écartent à nou­ veau pour laisser s'échapper des jets de paroles, de poumons et de tripes. L'électricité jaillit et les étincelles giclent des pupilles des musiciens. Ce ne sont plus des machines à musique. Les instruments parlent. Les instruments deviennent des bouches, qui articulent mieux et possèdent en elles une Puissance destructrice que les vraies bouches ne possèdent pas.

 

 

Phil Collins©Coerten

 

Les amplis crachent, lancent le feu. Les grosses boîtes à sons prennent vie, s'allient intensément aux cinq hommes et aux cinq instruments. Tout ce qui est sur scène s'allie intensément. L'Esprit est là, qui parle et qui crie. Peter est l'Esprit. Peter Jagger/Mick Gabriel. L'Orgueil est sur la scène. Non pas l'orgueil qui se retire dans sa tour d'ivoire. Mais l'orgueil qui domine pour mieux faire comprendre sa raison d'être. L'orgueil qui explique, qui saute, qui bouge sans cesse. L'orgueil qui percute le tambourin avec une méchanceté totale. Le visage de Peter se retire, disparaît sous le corps, réapparaît, plus agressif que jamais. Uni avec le corps - tout le corps -, il grimace violemment, s'étire dans un bruit de foudre sonore, sue son dégoût à la tourbe. Les traits se marquent, deviennent tout à coup indélébiles. Peter hait. Peter vous hait. Peter est malheureux, et le montre, et le crie, et le hurle. Peter se détruit. Autodestruction quasi suicidaire. Le matériel retourne à l'état de matériel. La rupture est nette, mais pas encore assez. Les objets volent, cassent, tourbillonnent parce qu'ils sont objets. Peter vole, casse, tourbillonne parce qu'il est objet. Et ne veut pas l'être. Ultime provocation. Perversion. Peter est. GENESIS.

 

GOLDEN EARRING : LA DÉMESURE

Ça tombe dur. Quelques centaines de watts. Sans avertir (ou si peu...). D'un coup, d'un seul. Pas de chance : la montagne de sons, ce subtil échafaudage d'amplis et de diffuseurs, reliés savamment par des kilomètres de fils, et décorés çà et là de micros (les plus solides qui soient en vente dans le commerce), la montagne de sons est juste à gauche. L'oreille gauche appréhende déjà le pire. Ça tombe dur. Quelques centaines de watts, qui semblent vouloir être quelques milliers. Deux cents, trois cents ou quatre cents.

 

A ce niveau-là, on ne saisit plus la différence. Heureusement, sinon on en mettrait encore plus. Une note suffit pour faire souffrir. Les masochistes se réjouissent déjà et applaudissent en scandant des mots. Des sons. La seconde note achève le travail : les cris redoublent. Tant pis. Il faut suivre le train ; il faut subir la troisième note et toutes celles qui suivent. Il faut s'accrocher.

 

Golden Earring

Jemelle 1971©Coerten

 

 

Désespérément. irrésistiblement. Malheureusement. Orgie de watts. Quatre hommes et quatre machines orgiaques. Les hommes sont les machines. Car les machines ont avalé les hommes. On ne sait toujours pas s'ils s'en sont rendu compte. Tant pis. Il faut s'accrocher. Répétons- le. S'accrocher ferme pour résister à la marée. On est si vite noyé. L'eau est polluée par une électricité décadente, par un emploi naïf de fausse violence. Les guitares hurlent à souffrir. A souffrir pour souffrir. A souffrir pour effrayer, pour faire pleurer, pour faire rire, pour amuser, pour irriter, pour rien.

 

C'est vachement fun. Grand fun. Grand Funk (Railroad). C'est exactement cela, les torses nus en moins, les «jeans » ultra-moulants en plus.

 

 

Non mais, écoute-moi ce solo. Ecoutez-moi ce batteur. (Regardez-moi ce batteur.) Inouï ! (Jamais vu.) Le son - le bruit - continue à tomber dur. Les guitares bavent des notes inaudibles, qui s'accumulent dans un désordre préalablement déterminé. Vu que tout est préalablement déterminé. (C'est tellement, plus simple. D'autant plus que la recette est infaillible.)

 

La musique ne s'amplifie pas ; elle ne saurait plus le faire. La musique est uniforme et se complait dans l'uniformité. Pourquoi pas ? Pourquoi pas, puisque le public trépigne, le public s'excite, le public se lève, le public est " heureux ", le public étouffe, le public crie, le public est dupe. Et ces guitares qui n'en finissent pas de duper ! Et cette flûte qui n'était là que pour la forme : une flûte contre deux guitares et une batterie, voilà un combat inégal ; mais on la voyait, cette flûte ; elle a fait acte de présence...

 

Et ce saxophone : tout ce qui brille n'est pas or. Les watts semblent fiers d'être watts, et les quatre musiciens semblent fiers de leurs watts. Tellement fiers qu'ils en sautent de joie, perturbant la scène, la secouant comme si elle devenait un objet de plaisir. Les chevelures flottent, mais retombent toujours!

 

L'illusion ne dure qu'un instant très court et trouve son impact dans cette brièveté : wow, tu l'as vu sauter ? Marinus dans ses œuvres Marinus dans son entreprise de défoulement public. C'est qu'il réussit, le bougre ! Il saisit sa basse, une bien étrange basse, bien usée, qui a dû en voir beaucoup durant sa carrière. Solo (et de fait : il est seul). Les sons s'accrochent tant bien que mal à une trame. Le show. Amusez-vous, quoi, amusez-vous ! Et défoulez-vous ! Criez, sautez ! Cassez les chaises ! Quelle défonce ! Marinus fait pitié : et si par hasard il se prenait au sérieux ? Le voici par terre.

 

Ce n'est pas courant, un bassiste par terre. Il saute en un bond spectaculaire, en ayant soin de bien replier les jambes, retombe sur le sol (fatalement), titube, titube, prolonge son état d'ivresse, titube, s'affale sur les amplis qu'il ébranle, saisit une note, ne veut plus la làcher, tombe à genoux pour la rendre plus proche de ses tripes, vibre de ses vibrations, allonge désespérément la note, l'étire, on attend qu'elle craque, elle craque, non, elle fait un soubresaut,

 

Marinus également, qui se retrouve sur ses longues jambes, il ne veut pas làcher la note, l'ampli crachote, se ré­ volte. Fin. Le rythme reprend ses droits, et par la même occasion la démence s'empare des esprits, rendus faibles par ce cinéma en trompe-l'œil. Marinus, en transe, fait virevolter son instrument et s'écroule en maltraitant sa guitare. Rassurez-vous : une rasade d'orangeade le remettra d'aplomb. Du pain et des Jeux. Miroir aux alouettes. GOLDEN EARRING.

 

 

JEAN-LUC CRUCIFIX

 

 

ÉDITION 1972

SAMEDI 5 ET DIMANCHE 6 AOÛT

Devant le chapiteau - août 1972©collection Piero Kenroll

 

Fort de leur brillant succès de 1971, qui avait vu la venue de Generis et de Golden Earring, les membres de la «Maison des Jeunes » de Jemelle sont bien décidés à « remettre ça » cet été. En mieux encore. Maintenant que Ciney a déclaré forfait, Jemelle semble être le seul festival capable de devenir un jour, pour la partie francophone du pays, ce que Bilzen est pour la partie néerlandophone. Pour cela, cette année, Stany Cuvelier, le principal organisateur, a vu très gros. Le festival durera deux jours, la majorité des groupes seront anglais, il y aura des films et des tas d'autres attractions. Mais il y aura, surtout, Slade ! C'est cent pour cent officiel, contrat signé et tout... Ce n'est pas la première fois que le groupe vient en Belgique.

 

Il avait déjà enre gistré en novembre l'émission télé Pop Shop, en pu­blic, à Liège. Mais à l'épo­ que on n'avait pas en core très bien réalisé son im­ portance. Depuis, il y a eu « Look Wot You Dun », il y a eu « Slade Alive ! », « Take Me Bak'Ome », et son triomphe public au « Great Western Express ». Si vous jetez un coup d'œil sur les ventes des LP's et des simples en Belgique, cette semaine, vous consta­ terez que la popularité du groupe croît à une vitesse grand V. Tout laisse donc supposer que le 6 août prochain, de fortes vibrations, directement proportionnelles à la commun ion qui s'établira entre Slade et son public, ébranleront la ville de Jemelle. Sont déjà également engagés : Gary Wright (ex-Spooky Tooth), Capability Brown, et Pigsty Hill Light Orchestra.

 

(Extrait Rubrique Hot - Magazine Télé Moustique N° 2421)

AU PROGRAMME

Présenté par le DJ Kid Jensen et Piero Kenroll

 

SAMEDI 5 AOÛT

 

CONCOURS DES GROUPES AMATEURS

FETISJ (BG)

SUPERTRAMP (GB)

PROJECTION DE FILMS :

sur Jefferson Airplane, Joe Cocker, Cat Stevens, Kinks

 

 

« Bienvenue à Jemelle ! » Le bonhomme en veston - cravate qui s'adresse au public, a une bouille ronde comme son ventre, un sourire candide et les yeux pétillants. C'est un personnage  local. Le boute-entrain du village paraît-il. Il n'a rien de l'habituel présentateur de concerts (celui-là, c'est moi, et je suis à côté de lui) mais son côté sympathique est irrésistible.

 

«  Bienvenue à Jemelle !  » vient-il répéter chaque fois que le micro est libre. C'est sincère. Ces 5 et 6 août 1972, le « petit » festival de Jemelle décroche pour moi le titre de « meilleur festival belge de tous les temps ». Un moment de grâce, un petit miracle, du en grande partie à cette formule magique inoubliable, « Bienvenue à Jemelle ! », tellement répétée que tous ceux qui vivent l'événement se sentent effectivement « bienvenus ».

 

Piero et le "présentateur Jemelle" Alain Latura

 

Et ce n'est pas souvent le cas pour les jeunes chevelus à l'époque ! Rappelez-vous mon accident de l'année passée… En plus, il fait très beau. Le chapiteau est dressé près du camping municipal, sur le gazon près d'un ruisseau. Il y a de la place pour flâner, le service d'ordre est complaisant, pas l'ombre d'un flic en vue.

 

Côté spectateurs, ce n'est pas la grande foule (il y aura environ quatre personnes en tout et pour tout) mais la qualité compense la quantité, un public où se mélangent les jeunes de la région et les amateurs de rock venus des quatre coins du pays. Il n'y aura pas le moindre incident. Tous ont soit un bon souvenir, soit des échos favorables de l'année passée et n'aspirent qu'à ce qu'on remette ça.

 

 

 

 

 

 

Cette fois, il n'y a qu'une seule tête d'affiche, mais non des moindres… Slade  ! C'est, sa première véritable prestation « live » en Belgique. Mais on fait aussi quelques très plaisantes découvertes. Le samedi, en guise de prologue, on découvre un nouveau groupe belge qui promet : Fetisj. Des Anversois qui semblent avoir compris l'importance de la tenue sur scène.

SUPERTRAMP

Et puis il y a ce petit groupe anglais déjà apprécié en première partie de Ten Years After à Forest : Supertramp qui se compose de Richard Davies (orgue, piano, chant), David Winthrop (sax, trompette, flûte, chant), Kevin Currie (drums) et Frank Farrell (basse).

 

 

Supertramp joue une musique qui a pour base le rythme binaire du rock, et qui accorde beaucoup d'importance au saxo. Leur premier LP s'intitule « Hundred Easier Hours ».

 

Son saxophoniste, Dave Winthrop, a beaucoup de présence et il ne faut pas longtemps avant que le public soit captivé. Il y a plusieurs rappels. De l'aveu des musiciens ils n'avaient jamais reçu un accueil aussi chaleureux.

 

David Winthrop - Supertramp

 

 

 

Pigsty Hill Light Orchestra

 

Lennarth Messagie and Dagleth

 

Kjoe

 

DIMANCHE 6 AOÛT

 

RÉSULTAT DU CONCOURS GROUPES AMATEURS (10HR)

10H30 : LENNARTH MESSAGIE AND DAGLETH (BG)

GAME (BG) - FERRÉ GRIGNARD (BG)

PIGSTY HILL LIGHT ORCHESTRA (GB)

KJOE (HOL) - CAPABILITY BROWN (GB)

SLADE (GB)

 

 

 

Bienvenue à Jemelle ! Dimanche : après le légendaire Ferré Grignard, beatnick anversois folk maintenant accompagné d'un groupe qui l'étouffe un peu, d'autres découvertes…

 

Le Pigsty Hill Light Orchestra, un quatuor de farfelus venus des clubs folk de Bristol, qui se servent d'instruments comme un mirliton, une paire de ciseaux, et une contrebasse faite d'une corde et d'une caisse pour une prestation si cocasse que, follement acclamés, ils passeront deux fois sur la journée. Kjoe des Hollandais, ex-Q65, qui suivent maintenant les traces du Golden Earring.

 

Capability Brown , un groupe de chez Charisma (la marque de disques de Genesis et Van Der Graaf Generator) extrêmement poussé sur le plan vocal. Tous sont excellents et si différents les uns des autres que l'intérêt est relancé à chaque fois. Le public nage dans le bonheur. Bienvenue à Jemelle ! Je présente le festival mais je ne bosse pas pour Télé Moustique.

 

C'est ma période de congé, et ce sont Jean-Noël Coghe et Jean-Luc Crucifix qui assurent le reportage. Tant mieux. Pour le passage de Slade , libéré de toute obligation de réserve « professionnelle » je peux vivre ça en simple spectateur. Enfin… Presque. Parce que, venant de la scène, je peux plus facilement me glisser parmi les premiers rangs.

 

((Extraits de Gravé dans le Rock - ouvrage inédit de Piero Kenroll)

 

Affiche/ collection Philippe Collignon

S L A D E

 

Bienvenue à Jemelle ! Les voilà ! Noddy Holder, Dave Hill, Jimmy Lea, Don Powell. Ils ont un accoutrement incroyable : vêtements bariolés, casquettes marrantes, chaussures à grosses semelles et des gueules pas possible, mais, nom d'un chien, dès les premières notes ils y vont à fond la caisse. Le volume est tel que j'ai l'impression de recevoir un direct à l'estomac. Noddy hurle qu'il veut tout le monde debout dès le début et c'est parti… Le martèlement Slade, ce rythme irrésistible qui vous secoue la moelle épinière de bas en haut et retour. Pas moyen d'y échapper.

 

 

Ici devant, nous sommes collés les uns contre les autres. Nous formons une sorte de masse compacte qui se soulève et s'abaisse en cadence.

 

Slade - Jemelle 1972©Erik Machielsen

 

Petit à petit on perd la notion de son propre corps et ça devient hypnotique. Tout ce qui n'est pas musique s'estompe… «  Hear Me Calling  »… «  Born To Be Wild  »… Envoûtement ? Transe ? Je ruisselle de sueur. La température est infernale. Est-ce que je touche encore le sol ? Un vertige. Je vais tourner de l'œil et être piétiné. Non. Pas possible de s'effondrer. Je suis soutenu par les autres. « Mama We're All Crazee Now  ! » Ça repart de plus belle ! WAAAAAAW ! Quel pied ! Les amis, quel pied ! C'est aussi bon qu'un orgasme. Bienvenue à Jemelle !

 

 

 

ÉDITION 1973

SAMEDI 4 et DIMANCHE 5 AOÛT

Chapiteau de Jemelle - 1973

 

AU PROGRAMME

 

SAMEDI 4 AOÛT

 

CONCOURS DES GROUPES AMATEURS (de 9 à 18Hr)

BANZAI (BG)

GREENSLADE (GB)

AJ WEBBER (GB)

JO'BURG HAWK (GB) a fait faux bond

EAST OF EDEN (GB)

 

Alain Latura ( animateur local )et Piero Kenroll

 

C'est BANZAI qui va ouvrir le feu avec du blues-hard-rock. Banzai est un groupe anversois que l'on avait découvert à Bilzen, il y a deux ans. Depuis lors, le groupe a subi plusieurs modifications ; c'est une des premières fois qu'il jouera dans le Sud du pays.

 

GREENSLADE passe en second lieu. C'est le groupe formé par Dave Greenslade, ex-organiste du Colosseum de la grande époque. A ses côtés, Tony Reeves, un autre ex-Colosseum, tient la basse. Les autres sont Dave Lawson (chant, flûte, saxes) et Andy Mc Culloch (ex-King Crimson, batterie). Ils ont déjà sorti un premier album.

 

Avec AJ WEBBER, nous restons en famille, puisque cette folk-singer n'est autre que la femme de Dave Greenslade. Il est probable qu'elle chante à plusieurs reprises au cours du festival.

 

JO'BURG HAWK devrait incontestablement constituer le gros morceau de la soirée. Les pratiques racistes de l'apartheid sud-africain leur ont fait quitter Johannesburg et ils se sont installés en Angleterre. Leur musique est on ne peut plus excitante, mixture de rock et de rythmes sud-africains. Elle reprend des thèmes tirés de la vie de là- bas, par exemple dans ce long morceau consacré aux rites de la chasse à l'éléphant.

 

Enfin cette première soirée se terminera au son de la gigue de EAST OF EDEN. Sa musique, de progressiste qu'elle était à l'époque des premiers albums, est devenue de plus en plus " facile ". Le groupe joue à présent du rock à la sauce country anglaise. Aux dernières nouvelles, il paraîtrait que Dave Arbus, violoniste et figure de proue du groupe, ne sera pas de la partie à Jemelle. Il vient de quitter East of Eden il n'y a pas longtemps (mais ceci n'est pas encore très clair).

 

 

DIMANCHE 5 AOÛT

 

RÉSULTAT DU CONCOURS GROUPES AMATEURS (11Hr)

ALQUIN (HOL)

QUICKSAND (GB)

STRING DRIVEN THING (GB)

AVERAGE WHITE BAND (ECOSSE)

DUFFY (GB)

ANGE (FR)

STACKRIDGE (GB)

GEORDIE (GB)

ARGENT (GB) a fait faux bond

 

Piero présente Average White Band

 

 

ALQUIN, le groupe hollandais omniprésent aux festivals de cet été. C'est avant tout un groupe instrumental, techniquement au point et qui pourrait être plus percutant s'il n'allongeait pas indéfiniment ses morceaux. QUICKSAND, qui suit, est un nouveau groupe anglais, adepte de la musique de Pink Floyd. Avis donc aux festivaliers " planeurs "...

 

STRING DRIVEN THING, qui fait également partie de la famille Charisma, est composé de Pauline Adams (chant), Chris Adams (guitare), Graeme Smith (violon) et Colin Wilson (basse, banjo, guitare). Pas de batterie donc, et vous verrez que cela n'empêche rien : leur musique pétille d'originalité.

 

 

 

AVERAGE WHITE BAND est formé par six Ecossais amoureux de musique noire ; leur répertoire est donc orienté tout entier sur le rhythm'n'blues et la soul music.

Avec DUFFY, les amateurs de défonce vont pouvoir se réjouir. Absolument aucune finesse, mais un hard-rock compact et vrombissant, et le gros « show-cinéma » habituel.

 

ANGE sera sans doute le groupe le plus controversé du festival. Il est français et a le malheur de chanter en français, c'en est trop pour un Belge normal... Les Anglais, eux, aiment bien Ange et l'invitent chez eux de plus en plus souvent... Allez y comprendre quelque chose.

STACKRIDGE est lui un groupe anglais et bien anglais : sa musi­que est un " pastoral rock " de la verte campagne anglaise. Le genre de truc qui s'infiltre en vous en douceur.

 

GEORDIE a été comparé partout au Slade, c'est dire si le groupe possède une présence sur scène hors du commun. C'est Brian Johnson, le chanteur, qui se fait le plus remarquer, mais ses petits collègues sont pas mal non plus dans le genre.

 

 ARGENT sera la vedette du festival. Le groupe a été formé en 67 par Rod Argent, qui venait de se séparer de Colin Blunstone et de dissoudre les Zombies. A ses côtés, il y a Jim Rodford (basse, qui fut aussi un des Zombies), Ross Ballard (guitare) et Robert Henrit (drums). La musique d'Argent est l'une des plus riches que le rock anglais produise actuellement. La meilleure preuve se trouve sur les quatre long-playings que le groupe a déjà produits pour CBS, notamment sur ce « In Deep » qui vient de sortir il y a peu.

 

 

BIENHEUREUX LES FREAKS

 

Compte-rendu de Jean-Luc Crucifix

(Extrait Rubrique Hot - Magazine Télé Moustique N° 2481)
La musique prétexte à festival ?

 

Tous les ingrédients habituels des festivals se retrouvaient à Jemelle '73. et vous vous imaginez bien de quoi il s'agit : des freaks en quantité (des beaux et des sales), de la bière (de la Lamot et de la Stella, on m'a payé pour le dire), de la vraie drogue (la bière n'étant pas une vraie drogue, c'est bien connu) et des flics (des en-civil. des pas-en-civil, des avec-chien et des sans-casquette). Tout cela, vous vous rendez bien compte, ne va pas l'un sans l'autre, et il n'est pas difficile de trouver les affinités qui existent entre Freaks : Flics-Bière-Vraie Drogue. Pour analyser la portée sociologique (glllp) d'un festival, il faudrait encore différencier les freaks femelles et les freaks mâles (subdivision primordiale, à la base du phénomène festival) et il faudrait aussi citer un dernier ingrédient : la musique.

Mais celle-ci, prétexte à tout festival, est vraiment dépassée par les événements ; peu importe finalement si elle est bonne ou mauvaise, peu importe si Argent vient ou ne vient pas, le public est prêt à ingurgiter n'importe quoi. La bière et le hachisch intervenant encore ici pour une bonne part.

 

En fait, se rendre à un festival, c'est reconnaître qu'il existe un malaise dans sa vie, c'est avouer que l'on est en crise et c'est trouver les moyens de défoulement adéquats pour réagir à ce malaise. Un festival, c'est une réponse à la grande maladie de la société des villes. C'est le besoin intense de défoulements et de dérivatifs quelconques face à une oppression vecue dans le quotidien Tout cela se passe bien entendu dans l'inconscient, mais cela se passe. Je vous jure, même si vous ne vous en rendez pas compte.

 

Seulement voilà. il vaudrait peut- être mieux arrêter les frais, parce que le festival, s'il témoigne d'un malaise inconscient chez ceux qui y participent, n'en apporte pas moins aucune solution au problème. Au contraire, chaque festival est un pas de plus dans la contradiction ; chaque rendez-vous champêtre devient une anomalie et constitue une affaire de paumés finis. Un festival, ses manifestations décadentes, sa saleté, sa mauvaise musique/bruit, son ambiance tout à fait fade, cela peut servir tout au plus de sonnette d'alarme, dans le style : eh là ! il y a quelque chose qui ne va pas ! Il est temps, enfin, de réfléchir un peu et de savoir se situer sur l'échiquier : savoir concrètement, quotidiennement, comment vivre, comment réagir à ce malaise ressenti ? Se tuer à petit feu, sous prétexte de libération, ce n'est pas une solution ; c'est pourtant celle qui semble apparaître lors des fausses fêtes appelées festival.

 

M'en fous si on me dit encore que je sors du sujet, il y a des choses qu'il faut dire et qui ne sont jamais dites. J'ai vu des gars et des filles de treize ou quatorze ans quasi ivres morts, vous n'allez tout de même pas croire que je vais indéfiniment fermer ma gueule ou parler du jeu de scène de Geordie ?

 

UN PLATEAU ÉCLECTIQUE

 

VDB and the Parking-Meters

 

Pour ce qui est du concours d'amateurs, par exemple, je peux vous dire que c'est le groupe qui jouait le plus mal qui a gagné (ça, j'ai pas peur de le dire, vu que je «  saxophonise » dans cette bande de zigomars), le nom en lui-même est tout un poème VDB and the Parking­ Meters. Ils ont joué à l'extrême gau­che de la scène...

 

Le groupe Strap est sans doute plus commercial, puisque ce sont eux. grâce au hard­ rock, qui ont remporté l'enregistrement d'un 45 tours. Et puis, ils sont moins "politiques".

 

C'est pas pour dire, mais c'est à Anvers que se passent les choses les plus intéressantes du rock belge ; les Pebbles ont maintenant fait des jeunes. Ils s'appellent Banzai et Lennarth Messagie & Dagleth . Il y a dans ces groupes des points communs tels que le refus de l'artifice scénique et l'accent mis particulièrement sur les vocaux.

Banzai fait beaucoup penser au Yes d'il y a trois ans, dommage cependant que le tout tire en longueur ! Mais il y avait de fort bonnes choses, çà et là, dans cette musique qui sait être tour à tour harmonieuse et hargneuse.

Lennarth Messagie & Dagleth, plus habitués à l'acoustique, se sont moins bien sortis de leur prestation électrique, très courte d'ailleurs. Ils ont souffert d'une balance assez médiocre. De toute façon, avec ces deux groupes, on a eu une idée de l'Antwerp Sound, un style auquel on est peu habitué dans le sud du pays.

 

Aj Webber n'a vraiment rien cassé et son mari, aux commandes de Greenslade , pas grand-chose non plus. Voilà le type même de la musique sans fondement pourtant pas trop mal fichue techniquement (on n'arrêtait pas de me répéter, dans les rangs des «  connaisseurs », que Tony Reeves, à la basse, était génial).

 

Jo' Burg Hawk n'est pas venu, inaugurant ainsi la liste des absents qu'allait compléter, le lendemain, Argent. Les deux groupes les plus prometteurs de tout le programme ne sont finalement pas venus...

 

Jo' Burg Hawk a été remplacé par un autre groupe de chez Charisma appelé Hatfield and the North. Il y a là-dedans un ancien musicien de Caravan, un autre qui vient de Matching Mole, un autre de Gong et le quatrième de Egg. En d'autres termes, des gars qui jouent dans l'orbite du Soft Machine.

 

 

 

 

Avec mes sales goûts d'intellectuel, j'ai beaucoup aimé cette musique très dans la lignée Matching Mole, sans les grands moments de folie de Robert Wyatt, mais beaucoup plus structurée. C'est le genre de truc qui ne s'offre pas; il faut faire l'effort d'accrocher et de pénétrer dans le jeu des musiciens.

 

Effort trop important sans doute, puisque Hatfield and the North est visiblement passé au-dessus du public.

 

Un qui est passé en dessous, par contre, c'est East Of Eden plus hard rock que jamais, et avec un nouveau violoniste. Je n'irai pas jusqu'à dire que East Of Eden sans Dave Arbus, c'est les Stones sans Mick Jagger, mais une bonne partie du folklore du groupe est quand même partie. De toute façon, ils ont joué un bon hard-rock bien propre et très démagogique, ensuite une petite gigue, et c'est dans la poche, mon kiki. Le public s'est levé. Pour le rappel ? Roll Over, Beethoven, bien sûr!

 

String Driven Thing

 

Je passerai en vitesse sur Alquin (jouent bien, mais manquent de fougue: après un quart d'heure, « ralbol »). Quicksand (jouent mal. et beaucoup trop longtemps : style hard-rock à vocation planante), String Driven Thing (jouent confus, la chanteuse se prend pour Grace Stick !!!! et le reste se perd dans un brouloubou­ boum inconsistant) et Average White Rand ( égal Alquin, en plus « soul » ; tout aussi terne).

 

Duffy

 

Duffy, c'est (encore) du hard-rock, mais celui-ci sans prétention et avec un chanteur vraiment sympathique. Ce n'est pas la musique qui va tout casser ; mais c'était le premier groupe de la journée qu'il était simplement possible de supporter tout au long de leur prestation. Alors vous pensez !

 

 

ANGE

Christian Decamps (Ange)

 

Ange créa la plus grosse surprise de la soirée en remportant un succès confortable. La musique d'Ange, c'est un monde moyenâgeux de vieux possédés et de sorciers étranges, la rencontre de l'horrible et du fantastique. Christian Decamps est le Dracula de la cérémonie : il chante avec une expression et des mimiques inégalées. Musicalement, Ange joue une musique puissante, une sorte de Genesis moins raffiné, sans humour anglais, mais avec des envolées grin­ çantes et de fantastiques échappées vers la folie.

 

Ange, c'est aussi une version étonnante de Ces Gens-là de Brel : un réalisme barbare. Les textes en français s'intègrent parfaitement à la musique, et voilà un des groupes les plus théâtraux qui existent. Maintenant. vous pouvez appeler cela de la chanson française, c'est pas ça, le problème...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Critique de Jean-Luc Crucifix

Recherche et mise en page : Jean Jième

 

STACKRIDGE

Stackridge

 

Le début de la prestation de Stackridge est tombé bien à plat, après le grandiose d'Ange, mais les gars se sont bien rattrapés et ont remporté, en utilisant comme cymbales des couvercles de poubelles, un succès dans la bonne humeur. C'est un peu dans la lignée de Pigsty Hill, en moins dingue et en plus classique. Ça a un petit côté boy-scout, pas à dire, mais c'est le genre de truc à pas trop réfléchir dessus.

 

GEORDIE

Geordie , en l'absence d'Argent, a finalement tenu la vedette mais s'est fait sortir par un public enfin devenu un peu plus nerveux, puisqu'il lançait des projectiles sur le groupe. Faut dire que Geordie était vraiment merdique. Ce qui n'est pas très étonnant. Le hard­ rock dans toute sa splendeur, on se serait cru au concours d'amateurs...

 

Geordie

 

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À propos de Jemelle lire également : Gravé dans le Rock (chapitre 13)