LES BEATLES LES JOURS DE LEUR VIE
Richard Havers - Éditions Hugo et
Cie
Une critique de CHRISTIAN NAUWELAERS
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UN OUVRAGE D'UNE RARE ÉLÉGANCE
Toute question d'anniversaire(s) mise à part, nos Fab Four demeurent absolument inoxydables, insubmersibles et incomparables ! Plus que jamais en 2012 ils continuent d'inspirer des légions de biographes, d'exégètes, d'iconographes, d'analystes, de sociologues, d'historiens, et aussi et surtout de musiciens de toutes générations mélangées. Y compris beaucoup de jeunes ; ce qui constitue peut-être leur plus grand titre de gloire.
Dans le flot ininterrompu d'ouvrages qui leur sont consacrés, il est indispensable de se montrer sélectif. Ce qui constitue d'ailleurs l'esprit et le but de cette rubrique. Les Beatles Les Jours De Leur Vie est un modèle du genre.
Avec une présentation élégante voire luxueuse dans un slipcase (une sorte de coffret dans lequel le livre est inséré), ce panorama historique mais très iconographique avant tout nous fait parcourir les décennies en leur compagnie : depuis le 19 septembre 1934 (naissance de Brian Epstein à Liverpool) jusqu'au 13 juin 1970 ( la première semaine des deux que passa The Long And Winding Road au sommet des charts américains).
L'auteur Richard Havers – ex-collaborateur de Bill Wyman, et biographe musical, dont...Sinatra ! – nous fait ici témoins d'une carrière et d'une vie de groupe fabuleuses. |
UNE VÉRITABLE RICHESSE ICONOGRAPHIQUE
Le principe est simple et très agréable à suivre : chaque année est agrémentée de nombreuses dates importantes – mais pas toutes, tant s'en faut. Et de nombreuses pages suivent, agrémentées de clichés de l'année en question, d'abord principalement en noir et blanc, puis de plus en plus en couleur à mesure que l'on avance dans le temps.
Pas de révélations biographiques nouvelles, pas de scoops : on prend un immense plaisir à redécouvrir leurs exploits et tribulations, leurs triomphes, l'hystérie du public et toutes ces choses gaies, insouciantes mais si vibrantes, si intenses à jamais associées aux quatre garçons dans un vent destiné à durer toujours. Même si certains sceptiques, dont...les Beatles eux-mêmes selon maints témoignages, ont pu douter à leurs débuts de cette longévité certes extraordinaire mais méritée qui les attendait.
POUR LE PLAISIR DES YEUX
On l'aura compris : c'est avant tout la richesse iconographique exceptionnelle de ce volume qui en fait tout son prix. Elle est issue du fonds photographique anglais Mirrorpix : les milliers de photos du quotidien disparu Daily Mirror, qui a suivi les Beatles presque pas à pas dès leur accession à la gloire. Y compris à l'étranger.
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On se régalera par exemple de ce cliché étonnant (en couleur p.96) montrant le groupe face à l'Olympia, en janvier 1964, avec un photographe du nom de...Paul McCartney, tenant son appareil bien en vue ! (Avec lequel – ceci ne figure pas dans le livre – McCa photographia une star autochtone qui leur succéda sur les planches de l'illustre music-hall : Hallyday soi-même !)
Autre allusion mais involontaire par rapport à la France : la photo noir et blanc (p.61) du 13 octobre 1963, pour l'émission TV Sunday Night At The Palladium . Les quatre artistes s'empilent plus ou moins à l'horizontale le long d'une porte...
Ce qui ressemble très fort à la pose avec laquelle ils apparaissent en avril 1964, en couleur, sous l'objectif de Jean-Marie Périer, en couverture de Salut les Copains !
Il serait totalement fastidieux d'entamer un descriptif des innombrables trésors qui dorment voire palpitent dans ces pages de papier glacé.
J'aime beaucoup aussi les nombreuses affiches, qui montrent bien l'évolution de leur popularité.
Avec le changement du lettrage de leur nom, et de leur position sur les affiches, au fil du temps .
De ces temps qui changeaient à la vitesse de l'éclair... |
Britain's fabulous disc stars
Pour celles de Bedford ( salle du circuit Granada) le 12 mars 1963, et le Rialto de York le lendemain, la vedette est encore Helen Shapiro. Celle-ci tomba raide dingue amoureuse d'un Lennon qui se révéla doux, protecteur et chevaleresque envers la toute jeune Helen : mais ceci est un élément que j'ajoute, tiré des souvenirs de l'attachante et très talentueuse chanteuse, qui vit son étoile pâlir brusquement en quelques jours à peine lorsque l'hystérie générale commença à poindre pour les Beatles !
À Leeds, à l'Odeon le 5 juin 1963, les Beatles sont en haut de l'affiche, à côté de leurs rivaux Gerry and the Pacemakers, et le grand Roy Orbison en bas, avec pour tous ceux-là des caractères de même grandeur. On sait qu'Orbison est une des rares stars américaines à avoir tenu la dragée haute aux Beatles pendant plus de deux ans dans les classements divers, avant de fléchir nettement à partir de la moitié des années soixante.
Le 26 août 1963, pour le début de leur semaine à Southport, les Beatles, en grand sur l'affiche, sont les Britain's fabulous disc stars. Suivis de Gerry and the Pacemakers qui réussissaient presque à les égaler dans les charts anglais en 1963. Mais aussi des oubliés Sons of the Piltdown Men ou Tommy Quickly . Etc. etc. !
C'est dans le Daily Mirror que le terme Beatlemania est né, au lendemain du premier show de leur nouvelle tournée, à Cheltenham, le 1 er novembre 1963 à Cheltenham. Une date historique ! Le terme Beatlemania a un temps été envisagé comme titre de leur premier film.
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Pour en revenir aux photos, comme vous vous en doutez, aucun grand moment ne manque : les grandes émissions TV, les shows de légende, les films, les moments de détente comme à Miami , en couleur, en février 1964 (p.116-117).
Les premières photos couleur, plus rares, n'en sont que plus marquantes : comme aussi, notamment, avec la princesse Margaret le 4 novembre 1963 (p.66), à la Royal Command Performance où certains spectateurs firent peut-être cliqueter leurs bijoux en signe de satisfaction, selon l'injonction de notre facétieux John !
Certaines photos noir et blanc sont déjà prestigieuses, et montrent la montée en puissance du groupe, et à travers eux d'une génération. En septembre 1963, ils passent devant l'objectif d'un illustre professionnel qui les aurait snobés quelques mois plus tôt encore : Donald Zec, un peu oublié aujourd'hui, qui pouvait se vanter de compter à son palmarès les Marilyn Monroe, Sinatra et un premier King (son surnom oublié aujourd'hui) avant Elvis : Clark Gable. (P .56-57.)
Quelle consécration mondaine pour nos Scousers, ces (ex)-citoyens de Liverpool et leur accent délicieux à couper au couteau... Des joyeux drilles, bien que rockers de coeur (et mockers , comme le dit un jour Ringo !), dont il n'était pas encore tout à fait évident en 1963 de constater qu'il s'agissait d'authentiques génies en devenir de la musique populaire. Pas seulement d'un groupe exceptionnellement doué pour électriser les jeunes, dont les jeunes filles aux réactions stridentes et sans aucune modération ! |
LES BEATLES SE LÂCHENT
Parmi les photos les plus attachantes, qu'on ne se lasse pas de voir et revoir avec un sourire complice, celles de nos stars amies qui se lâchent, qui ne sont en rien dans un quelconque contrôle d'image, plan marketing et autres salades frelatées qui rendent une partie du show-business si faisandé et envahi par l'imposture : celle qui fait passer par pertes et profits le vrai talent, le vrai charisme authentique, la vraie inspiration musicale.
Même si je conçois aussi que la sobriété la plus totale ne serait pas de mise dans le rock et la pop : ce qui convenait à un Brassens ne l'aurait pas fait, comme on dit, avec les grands du rock, du rhythm and blues et de la soul.
Cette petite réflexion pour louer une photo (noir et blanc) en p.261, une de celles d'un rêve des Beatles qui tourna un peu court : le Magical Mystery Tour.
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On les voit tous les quatre, en septembre 1967, dans un café, avec une petite assemblée et un tout vieil homme, apparemment un chanteur des rues, qui semble s'amuser comme un fou à chanter avec les Fab Four, eux aussi aux anges, dont Paul avec un chapeau !
La beauté absolue de ce cliché, c'est qu'on ne sait pas si le vieillard hilare et chantant a la moindre idée du statut de ses compagnons d'un moment. La magie de ce formidable esprit de fantaisie, d'humour, de prise directe sur la vie et du refus des impostures, bref de la jeunesse éternelle des Beatles, moi je la vois notamment dans ce témoignage-là.
Oui je craque !
Tout comme vous ne pouvez qu'adorer un volume aussi magnifique et évocateur. |
LE COIN DU SPÉCIALISTE
Quelques petites scories à signaler, comme des noms d'artistes écorchés : Larry William (Williams, p.12), les Shadow's (Shadows, p.43), ou le groupe vocal féminin de Liverpool également the Vernon's Girls (Vernons Girls).
Le mensuel The Beatles Book Monthly n'a pas à devenir Les Beatles (p.44), sinon pourquoi pas le Nouvel Express Musical ou le Faiseur de Mélodie ?
Un sommet dans les traductions absurdes est atteint p.290 avec leur titre Maxwell's Silver Hammer qui devient...le Silver Hammer de Maxwell !
Une perle pour bêtisier !
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De même, ces EP's (45 tours 4 titres) qui deviennent des « maxi- 45 tours » à plusieurs reprises dans la traduction française, par quelqu'un qui mélange les époques .
Pas de maxi-45 tours en 1965...
Un petit manque de finition, d'exigence ici où là dans la version française proposée par cet éditeur parisien connu, mais un défaut très marginal heureusement .
Enfin, que cela ne dissuade personne de se procurer ce superbe ouvrage, si ce n'est déjà fait . |
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LA FRANCE ET LES BEATLES
Jean-Claude Hocquet et Éric Krasker - Éditions Séguier
par CHRISTIAN NAUWELAERS
Dans le milieu international, et non seulement français, de la Beatlemania d'aujourd'hui, les deux auteurs Éric Krasker et Jean-Claude Hocquet sont connus comme...deux loups blancs ! Krasker a signé en 2003 une époustouflante Enquête sur un mythe (Séguier), consacrée aux premières années des Beatles, à Hambourg principalement. Il sera bientôt question de la version anglaise, adaptée et augmentée, sur votre site.
Son acolyte Hocquet est l'auteur du Guide de la Discographie Originale Française des Beatles dès 1991. Krasker met sa formation d'historien au profit de sa passion, dont il nous fait profiter, ainsi que les médias français, dont il est devenu le consultant français incontesté au sujet des Fab 4; comme ce fut encore le cas en septembre 2009, lors de la grande opération «999» que nous savons, pour la réédition de toute l'oeuvre magistrale des toujours Fab 4.
Divers articles et chroniques d'Éric Krasker ont en outre paru dans des supports anglo-saxons aussi sérieux et réputés que Record Collector, Beatles Unlimited ou Discoveries, pour ne citer que ceux-là. Il ne me paraît pas inutile de livrer ces quelques précisions au sujet de ces deux spécialistes; trop de livres français sont de médiocres copies d'ouvrages anglais ou américains, souvent lestés d'erreurs et d'imprécisions, outre des traductions plus souvent défectueuses qu'à leur tour.
Ce volume-ci s'inscrit résolument dans le super haut de gamme. Toutes les moindres nuances de tous les 45 tours français, super 45 tours, 33 tours s'y trouvent.
D'innombrables reproductions impeccables de pochettes (recto et verso), de documents divers, d'articles s'y trouvent. Toutes les explications des photos de pochette abondent en détail et avec précision. Les dates de sortie aussi exactes que possible ne manquent pas, non plus que des feuilles de production, autrement dit des documents internes discographiques, qui auparavant n'avaient jamais été mis à la disposition du public. Y compris en ce qui concerne leur tout premier label, Polydor Allemagne (label surnommé à Paris «Polydor la maison qui dort», mais c'était à l'époque où les Beatles faisaient bondir les résultats financiers d'EMI) !
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Incroyable de pouvoir observer l'«Aufnahmeprotokoll» pour Cry for a shadow, leur instrumental apparemment parodique crédité aux «Beat Brothers», en stéréo ! Avec la date du 7 novembre 1961... On trouve aussi des documents à mi-chemin entre les feuilles professionnelles et les revues commerciales: Pathé Marconi nouvelles, devenu à la fin des années 60 International News Pathé Marconi.
Le tout dernier visible dans ce livre indispensable est celui du 14 mai 1970, qui présente ce qui devait être leur tout dernier album. Vraiment amusant de se souvenir que Twist And Shout a pu paraître, à l'origine, sous la dénomination française Twiste Et Chante (variante, information absolument cruciale ici: Twiste & Chante !). Je pense qu'il est inutile de m'étendre à l'infini : cet ouvrage de bénédictins est parfaitement unique en son genre. Hautement recommandé, voire obligatoire !
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