DEUX HURLUBERLUS PITTORESQUES
En 1962, dans le sillage du cinéma-vérité, une sorte de déclinaison spécifique de la Nouvelle Vague, Herman s'intéresse à Jean-Claude et Colette : un couple de blousons noirs bien parisiens.
Ces deux hurluberlus pittoresques mais parfois violents – du moins Jean-Claude – à leurs heures dévoilent sur grand écran leur mode de vie, et livrent leurs idées, leurs espoirs et aspirations, dans une vie marginale : ces deux jeunes se sont connus et trouvés, et compensent leur manque de repères familiaux et sociaux par une relation très forte, indissoluble... Après une jeunesse ballottée entre internat et maisons de redressement.
Jusqu'au décès de Jean-Claude dans un accident, alors qu'il tente d'échapper aux flics au volant d'une voiture volée en décembre 1963 ! Comme une fin tragique à ce film... Celui-ci– un moyen métrage, un format de documentaire aujourd'hui – se découpe en séquences diverses, avec commentaires de Jean-Louis Trintignant.
La caméra d'Herman devient par moments comme l'équivalent de l'appareil d'un photographe comme Willy Ronis, et sa quête des instants volés.
Le couple semble alors oublier la présence du cinéaste, et bien entendu le résultat de cette spontanéité se révèle particulièrement touchant et évocateur.
On appréciera notamment les inévitables mais si séduisantes scènes de fête foraine. Le genre de lieu de vie qui a inspiré un Lelouch et un Raymond Depardon au début de leur carrière (Depardon en tant qu'apprenti-cinéaste déjà).
http://shookupgeneration.blogspot.be/2011/07/le-chemin-de-la-mauvaise-route-jean.htm
http://www.forumdesimages.fr/Collections/parcours/P178
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ROCK AND ROLL ET BLOUSONS NOIRS
Le générique annonce la couleur, de ce document en noir et blanc: on y voit un groupe de rock (peut-être des figurants) s'agiter en mesure au son de... Rip It Up , par Vince Taylor !
Dans la piaule du couple symptomatique d'«une certaine jeunesse», trône une impressionnante figurine de l'homme en noir, grandeur nature.
Nos deux tourtereaux pas toujours tendres, du moins envers le monde extérieur, se teignent devant nous leur abondante chevelure en noir corbeau. Le visage fin et lumineux de Colette est beau sous la crinière de jais, et son élocution typique de celle d'une jeune Française de cette époque.
Un certain raffinement populaire, un charme indéfinissable mais entêtant, comme un parfum capiteux : difficile à décrire, vous me comprendrez si vous regardez ce film !
Parmi les séquences (travail, famille etc.), la mode nous concerne puisqu'il est fatalement question de musique.
De rock and roll évidemment. Surprise : Jean-Claude cite Little Richard comme son chanteur préféré !
Pour ceux qui s'étonneraient de ce choix, on rappellera qu'après tout Little Richard est alors, avec Gene Vincent, l'idole absolue d'un petit voyou déjà un peu célèbre, qui connaît sa relative heure de gloire en 1963 comme rocker : Moustique, le titi rock and roll de la bande de la Bastille ! Il n'apparaît pas ici, mais Jean-Claude et Colette appartiennent aussi, on s'en doute, à une clique de demi-sel.
Qui contient un élément qui deviendra important dans le monde de la musique en France : celui-ci n'est autre que...le guitariste Jacques Mercier, qui anime aujourd'hui le site consacré au Golf Drouot (voir rubrique consacrée aux Belges en ce haut lieu, sur ce site même).
Mercier se souvient que Jean-Claude a été considéré comme une sorte de héros parmi ses potes, suite au film ! |