QUAND LA JEUNESSE DE FRANCE DÉCOUVRIT
SALUT LES COPAINS
Nos Années salut les copains -1959/1976
CHRISTOPHE QUILLIEN - Flammarion
Alors que les compilations et croisières basées sur le concept SLC cartonnent plus que jamais, un livre relatant cette épopée médiatique musicale était indispensable: l'émission et le mensuel. L'auteur de Nos années salut les copains est Christophe Quillien, qui s'est fait connaître par l'histoire d'une autre revue réputée: Génération Rock&Folk (Flammarion 2006).
UNE FABULEUSE SAGA
Le livre commence avec le descriptif partiel de la seule émission Salut les Copains officiellement conservée dans la magnétothèque d'Europe 1: celle du 21 mai 1965. Au programme: des disques présentés par Daniel Filipacchi, un homme de radio pas très expansif ni démonstratif, qui parle d'une voix assez chaude mais monocorde. Comme le raconte Jean-Bernard Hebey, Filipacchi lui a dit un jour: «Celui qui doit être excité, c'est Little Richard, pas l'animateur qui programme ses disques.» Le 21 mai 1965: des titres de Richard Anthony, Michèle Torr, Noël Deschamps.
Mais aussi, et surtout pour nous: Wayne Fontana, Jimmy Smith, les Stones. Un raccourci saisissant de cette émission. Qui diffuse aussi une interview en direct de New York des fabuleuses Shirelles, par Michel Brillié, dit Bernard. Pas retranscrite malheureusement. On a fêté les cinquante ans de l'émission le 19 octobre 2009.
Daniel Filipacchi et Hugues Aufray©DR
Mais si elle a commencé avec Ténot et Filipacchi, les maîtres d'œuvre de Pour Ceux Qui Aiment Le Jazz , le 19 octobre 1959, le vrai premier numéro de ce programme pour les jeunes se répand sur les ondes d'Europe n°1 le 24 septembre 1959. Une demi-heure seulement, de 18h00 à 18h30. Une jeune Américaine (non retrouvée hélas !), une certaine Suzy, officie au micro, avec... son chat ! Une formule vite remplacée par Daniel en solo, puis d'autres. Avec l'arrivée précoce du tout jeune Michel Brillié, futur «Bernard», qui le seconde avant de présenter plus tard (il y en aura d'autres).
LES TÉMOINS
Christophe Quillien a opéré avec sérieux et professionnalisme, en rencontrant un maximum d'acteurs de l'époque, ainsi que des commentateurs actuels qui étaient de simples auditeurs à l'époque.
Pour la radio: Michel Brillié, Michel Poulain, Monty (que l'on a vu sur nos écrans ertébéens en pleine action dans les studios d'Europe n°1, à la présentation de Salut les Copains, cela dans le cadre d'une émission consacrée aux disc-jockeys), des collaborateurs comme Claude Cheisson ou Josette Bortot-Sainte-Marie. Sans oublier Jean-Bernard Hebey, que les amateurs de rock, dont votre serviteur, ont surtout connu la décennie suivante, chez les concurrents de RTL !
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Côté revue, Quillien a vu une bonne partie de ceux qui ont fait du mensuel Salut les Copains - un titre emprunté au succès de Bécaud- la réussite phénoménale que nous savons. Daniel Filipacchi, impliqué dans un autre livre sur le sujet, lié à la Fondation Frank Ténot, ne lui a consacré que quelques minutes.
Mais Quillien a rencontré Raymond Mouly, qui fut un directeur de rédaction venu du jazz, mais champion absolu de Johnny et du rock, et auteur d'articles remarqués. Le jeune Jean-Pierre Frimbois déboule dès 1962, et se spécialise dans le rock anglo-saxon, grâce à sa connaissance de l'anglais, peu répandue à l'époque. Il faut lire, en p.118 et 119, sa description de la vie de rêve (un peu plus tard) d'un scribe de Salut les Copains ... Même si Michel Taittinger, un autre collaborateur fan de rock anglo-saxon, estime aujourd'hui que les journalistes étaient payés «à l'élastique», et que les jeunes achetaient la revue pour les photos.
Tout est relatif, puisque dans la foulée, Taittinger évoque ses voitures de l'époque: pas des Panhard d'occasion ! Taittinger, ce sont les rois du champagne... Mais il n'y a pas que des héritiers à Salut les Copains . Souvent une simple affaire de circonstances: rencontrer la bonne personne au bon moment.
Toute une époque d'une certaine presse alors triomphante. Avec notes de frais quasi illimitées, voyages nombreux, rencontres faciles. Roland Gaillac s'apprête à entrer à Disco Revue en cet été 1962. Il vient de remporter un concours organisé par Jean-Claude Berthon, le regretté jeune patron de cette revue aujourd'hui presque mythique.
Chouchou
Dans les locaux de Disco Revue, Gaillac a un pressentiment, une prescience inexplicable selon laquelle là n'est pas sa voie. Il détecte des lacunes de professionnalisme, ou que sais-je... Il choisit l'autre chemin, et il commence une longue et fructueuse collaboration avec Salut les Copains. Alors que c'est encore une aventure. Il écrira sur Gene Vincent notamment avec une émotion poignante, dès 1962. On a aussi droit aux souvenirs de Philippe Fix, le dessinateur du sympathique Chouchou, dont le succès a été énorme!
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L'IMAGE EST REINE
Jean-Marie Périer
Mais le règne de l'image commence bel et bien avec cette revue. Comme le fait intelligemment remarquer Quillien, l'ours de Salut les Copains ne mentionne que les photographes. Pas les journalistes !
Selon l'essentiel Régis Pagniez, le maquettiste en chef, les journalistes remplissent «du gris» entre les photos, ce qui est injuste et contribue à empêcher leur reconnaissance aujourd'hui. Quillien a rencontré son assistante, la redoutable Andréa Bureau. Mais le prince de Salut les Copains , au moins l'égal du rédacteur en chef si pas plus, n'est autre que celui que Filipacchi entraîne dès le début dans son «petit journal de musique»: Jean-Marie Périer, qui signe la préface.
Celui que maints médias appellent stupidement aujourd'hui «le photographe des yé-yés» (il a fait cela évidemment) a tout de même à son palmarès les Beatles, Stones, Cliff et Shadows, Dylan, James Brown, Marianne Faithfull (qui a remplacé un moment Françoise Hardy dans sa vie), etc. Périer n'est pas non plus «le» photographe de SLC: c'est le plus important et emblématique, mais qui en dirige bien d'autres, en révélant bien des talents. Le sien propre est époustouflant, avec des mises en scène exceptionnellement créatives, et humoristiques parfois.
Rien que des jeunes, à l'exception d'André Berg, un aîné qui réussit à s'infiltrer chez eux. On sait à quel point les photos de Périer, avant tout, ont contribué au succès triomphal de ce magazine de luxe, vendu cher et pourtant synonyme de «populaire».
Quillien fait alterner ces interviews, toutes plus éclairantes et révélatrices les unes que les autres, avec des reproductions de reportages d'époque, de lettres de lecteurs, de publicités auxquelles nos jeunes idoles se livrent. |
Gilbert Bécaud en Vespa
Ce n'est pas tout à fait nouveau: Bécaud a bien enfourché une Vespa dans les pages de Marie-Claire dans les années cinquante, dont un photographe n'est autre que... Filipacchi. Mais le phénomène explose véritablement.
DES CHIFFRES
Un autre plus de ce bel ouvrage (et de la belle ouvrage, comme on disait naguère): des chiffres précis à l'unité près. Qui donnent la pleine mesure de l'étendue de cette réussite.
N°1, vite épuisé (donc potentiel de vente peut-être pas pleinement réalisé): 183 927 exemplaires; n°2: 287 932 exemplaires; n°3: 376 611. Après un an, en juillet 1963, juste après le fameux épisode de la nuit de la Nation (22 juin 1963): on dépasse le plafond du million d'exemplaires. Dans son édito du numéro anniversaire, le 12 de juillet 63 (Johnny et Chouchou en couverture !), Daniel fait remarquer au lecteur qui vient d'ouvrir sa revue que 999 999 autres exemplaires sont en circulation. Et ce n'est pas de l'intox, c'est vrai ! Mais le sommet n'est pas atteint: en décembre 1963, le décompte officiel (non publicitaire) donne 1 049 237 exemplaires.
En revanche une publicité de 1974 annonçant un lectorat de... quatre millions de jeunes (!) doit être prise cum grano salis , c'est le moins que l'on puisse dire. Avec un grain de sel, ou toute la salière !
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YÉ-YÉ OU ROCK
Une bonne initiative: taper sur un clou qui ne prétend pas disparaître... Cette confusion médiatique persistante entre rock français et yé-yé. Le terme yé-yé a été imaginé par un vrai grand sociologue, lucide et visionnaire (ils ne le sont pas tous !): Edgar Morin. Il a eu une sorte d'épiphanie, de révélation en voyant un documentaire consacré à Paul Anka et aux délires qu'il suscite parmi la jeunesse: Lonely Boy . (Ce document exceptionnel fait partie de son DVD chroniqué dans l'espace critique de votre site.)
Johnny-Place de la Nation - 1963 |
Après la nuit de la Nation, il prouve sa sensibilité, son ouverture d'esprit en réussissant à se mettre au diapason des aspirations et des pulsions des jeunes, restées incompréhensibles, ou effrayantes et répréhensibles, négatives, pour une majorité d'adultes.
Un article de lui (partiellement reproduit) paraît dans Le Monde du 6-7 juillet 1963, en introduisant pour la toute première fois ce terme qui fera bientôt florès. Très vite, les choses deviennent claires, tranchées pour les jeunes passionnés par cette musique. Mais les adultes ne saisissent pas la nuance: certains prennent les Beatles pour des yé-yés, lors de leur première venue en France, en janvier 1964 !
Le yé-yé, c'est le rythme mais édulcoré, châtré, et basé presque uniquement sur les adaptations. C'est le côté ultra-commercial, ultra-consensuel, sucré des Claude François, Frank Alamo, ou de l'insupportable et piaillante Sheila. Ce n'est pas Françoise Hardy. Ce n'est ni Johnny, ni Dick ni Eddy. Et puis ceux qui sont «entre deux», qui pataugent parfois mais pas toujours dans le bourbier yé-yé, en réussissant parfois des créations bien meilleures.
Richard Anthony, voire une Sylvie Vartan qui semble peu douée au départ, mais qui joint un certain appui médiatique très puissant (non détaillé dans l'ouvrage, mais très présent: vous avez trouvé !), à une rage de vaincre et à un sens artistique qui se révèle rapidement tout de même. Et son histoire d'amour, totalement sincère, avec Johnny, ne la gêne pas (c'est le moins que l'on puisse dire !) dans sa carrière. Les artistes évoluent tous, parfois pour le meilleur.
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ROCK AND ROLL, NON YÉ-YÉ
Il faut insister fortement sur ce point: la revue, dès le début, n'a jamais arrêté de s'intéresser aux plus grands pourvoyeurs de rock anglo-saxon. Et de rhythm and blues, de soul plus tard.
Dès le premier numéro de juillet-août 1962, outre la figure de proue Johnny (en couverture), et à côté d'Eddy, on trouve Vince Taylor (égratigné il est vrai), et l'excellentissime Brenda Lee.
Une couverture très importante est celle d'avril 64, celle connue comme «la porte rouge» (les Beatles, photo datant de l'année précédente en fait) de Jean-Marie Périer. La première consacrée aux Fab Four par Salut les Copains. Avant Disco Revue : un peu en berne à cette période précise, Berthon étant à l'armée et fulminant de voir sa revue larguée, et confiée à des gens pas à la hauteur et répudiés ensuite. Sur la couverture de Salut les Copains , certes un peu trop souvent dépréciée par les marchand(e)s de soupe, on a eu droit à Elvis, Cliff Richard, aux Beatles, aux Stones et à Jagger seul, etc.
Et dans la revue, à de très nombreux articles copieux sur des stars américaines et anglaises: Ray Charles, Helen Shapiro, the Tornados, Little Eva, Chuck Berry, the Who, the Animals, James Brown, Joan Baez, Sonny and Cher, the Mamas and the Papas, Hendrix, Procol Harum, Julie Driscoll, the Beach Boys, the Moody Blues, Tom Jones, the Aphrodite's Child, the Chambers Brothers (qui se souvient de ce magnifique groupe de rhythm and blues ?), Mungo Jerry, Shocking Blue (et Mariska, Dieu ait l'âme de la Venus du rock), et tant d'autres.
Sait-on que les Beatles apprécient alors tellement le travail - et certainement la personnalité - de Jean-Marie Périer qu'ils font de lui leur photographe attitré, comme le confirme un écho paru dans Paris Match du 11 février 1967 ? Il les photographie en début d'année 1967 aux studios Abbey Road, pendant l'enregistrement de Sgt Pepper. Périer dispose de son propre studio photographique dans le studio d'enregistrement ! Mais la collaboration, qui signifie la consécration suprême pour lui (même s'il vole déjà très, très haut) tourne court. Curieusement, il ne se souvient pas de la raison face à Quillien, alors qu'elle est connue. Voir le coin du spécialiste, le supplément de critique auquel vous finissez par vous habituer je l'espère !
Août 1965, les Stones en couverture, et sensationnel numéro spécial Angleterre. Beatles (à Paris), Cliff, Tom Jones, PJ Proby, les mods contre les rockers, Marianne Faithfull, et plein d'autres.
En juillet 1966, paraît le numéro 0 de Rock and Folk , avec Dylan en couverture. Mais six mois plus tôt, en février 1966, un certain Jean-Marc Pascal, disparu dirait-on, présente longuement Dylan aux lecteurs de Salut les Copains. En septembre 1969, un beau reportage effectué au concert d'Hyde Park, deux mois plus tôt, devenu par la force des choses, ou de la fatalité, un vibrant hommage à Brian Jones. Un petit côté presque...militant du rock dans Salut les Copains , eh oui, de temps en temps.
Janvier 1970: article sur le festival d'Amougies, alors que les Français ne parviennent pas à mettre sur pied des manifestations du même genre. Comme c'est précisé. Et en ce même mois, bel article sur nos Wallace, sortis des pages belges en noir et blanc (voir en fin de chronique), pour se retrouver dans celles, prestigieuses, imprimées à Paris. Consécration et envol au-delà de nos frontières. Les Creedence interdits à Paris et Lyon, on craint des troubles ? Les photographes Jean-Marie Périer et Gilbert Moreau se déplacent pour les voir à Amsterdam ! À eux deux, avec un reportage étonnamment signé «J-M Moreau» en novembre 1971 ! (Non «Jieme Moreau», merci de rire charitablement.) Le temple des yé-yés, selon certains animés par une pensée critique unique, pratique bien régulièrement l'œcuménisme en faveur d'une autre religion, celle du rock !
Vince Taylor, quant à lui, est un cas particulier: ni Filipacchi ni Ténot ne l'apprécient. Dans le n°1 de juillet-août 1962, l'article qui lui est consacré est assez négatif. Mais le suivant et dernier, de juillet 1964, «Ce Vince Taylor que l'on croyait méchant», de Raymond Mouly, est tout à fait favorable et sympathisant d'un Vince que l'on a cru remis en selle. Sans suite hélas, et un peu de sa faute. Les drogues toujours... Il y a une vraie ambiguïté Salut les Copains . Un réalisme, que certains assimileront à du cynisme. On défend Sheila et les yé-yés (trop souvent et sous la contrainte commerciale) et Johnny et le rock en général (par conviction sincère non des propriétaires, mais des jeunes collaborateurs pleins d'enthousiasme).
Un mélange des genres, mais qui fonctionne à merveille, et qui apporte plus de bien que de négatif... Une opinion dont tout le monde a le droit de débattre. |
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SALUT LES MAGAZINES
Loin du rouleau compresseur de l'histoire vue et transformée par les médias, l'auteur remet avec bonheur les pendules à la bonne heure.
Salut les Copains n'est pas la première revue du genre, mais elle est vite devenue la plus importante. Et de loin. Hommage est rendu dans le livre au vaillant pionnier de Nancy, Jean-Claude Berthon, qui après quelques tâtonnements avec un premier Disco Revue petit format et strictement local (première couverture mondiale d'Hallyday en octobre 1960), se lance à fond dans la bagarre à l'automne 1961, alors que Johnny s'apprête à débouler sur la scène de l'Olympia.
Disco Revue tiendra cinq ans avec des fortunes diverses, et un passage au format journal
inspiré de l'Angleterre, le 3 octobre 1964 .
Berthon refuse la proposition de rachat de Filipacchi. Un puriste, qui décline un deal qui lui permettrait d'entrer dans la grande famille filippachienne...Et de trouver une sécurité d'existence. |
La revue Music Hall met Johnny, Vince Taylor, les Chaussettes noires etc. en couverture, avant Salut les Copains . Mais il s'agit d'un virage à 180°, après une attitude résolument anti-rock lors de la décennie précédente.
En 1954, le numéro un de ce mensuel affiche en couverture une idole d'avant le temps des idoles: Bécaud. Avec déjà les encouragements de Cocteau, comme ceux qu'il prodigue avec gentillesse et générosité à Berthon pour le premier numéro «national» de Disco Revue , en septembre 1961.
Et c'est dans le numéro 9 (historique) de Music Hall en septembre 1955, que le mot «hit parade» fait son entrée en France, avec les explications idoines. Parallélisme intéressant. On rappelle que le hit parade de Salut les Copains ne reflète pas les ventes de disques, mais les demandes supposées des auditeurs pour les chansons.
On se souvient de la chanson «chouchou»: celle qui passe en début et en fin de chaque émission de la semaine. Une séquence qui contribue à mettre le pied à l'étrier à certaines pointures du yé-yé...
D'autres revues surgissent à la suite de ce miracle économique, en plein cœur des Trente Glorieuses, que l'on n'appelle pas encore comme cela… En novembre 1962, Âge tendre et tête de bois, puis en décembre Bonjour les Amis, un titre qui se pose ouvertement en rival de SLC (déjà le nom !). Là où Salut les Copains publie une lettre mensuelle de Johnny (disons: avec la signature de Johnny), cette nouvelle publication propose celle d'Eddy, qui lui aussi commente les nouveaux disques de rock ! Le fondateur est un repris de justice dont les offres de service ont été refusées par Filipacchi. Georges Figon, le protagoniste de l'affaire Ben Barka, assassiné en 1965 !
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Bonjour les Amis est notable pour des numéros spéciaux consacrés aux idoles, prises individuellement: spécial Johnny, Dick, Eddy etc. et un extraordinaire «spécial Gene», paru en janvier 1964, et mythique pour les fans du grand Gene Vincent.
On peut se demander si les Beatles ont repéré cette revue lors d'une de leurs déambulations sur les Champs-Élysées ou ailleurs, pendant leur séjour parisien à ce moment-là ! Bonjour les Amis œuvre autant que Disco Revue, pour tenter de réhabiliter Vince Taylor. Elle examine aussi en détail de nombreux Musicoramas rock organisés par Europe n°1 à l'Olympia. Y compris ceux de gens qui ne sont pas ou pas encore des superstars, en tout cas en France: Johnny Rivers, les Kinks, Orbison (beaucoup moins populaire en France qu'ailleurs), etc. Une belle revue, avec une âme. Qui fait appel en 1965 au petit rocker réprouvé Moustique pour écrire sur sa passion et sur ce qui se passe en rock à ce moment...Une belle revue, avec une âme, et moins de moyens.
De nombreuses autres publications tentent de s'imposer avec des fortunes diverses et plus ou moins durables. France Disques est un éphémère hebdo, créé par Berthon en décembre 1962,
au format calqué sur le New Musical Express, et qui ne voit pas l'an nouveau après quatre numéros. |
La Presse Magazine est un autre hebdomadaire, sur papier journal. Il existait auparavant, mais il inonde ses pages de rock français dès 1961, avant de devenir le tout aussi obscur Telstar en 1962.
Il n'en est pas question dans l'ouvrage de Quillien: il est vrai qu'on ne le voit jamais. La revue Tilt , apparue en 1964 (un titre qui a servi à maintes reprises), ne sort pas plus des oubliettes.
Les publications créées vers le milieu des années 60, avec parfois des articles intéressants et de belles illustrations, connaissent des destins divers: Nous les garçons et les filles, Formidable, Moins 20, Hit Parade.
Quelques années actives vaille que vaille... On surfe sur la formidable vague des années soixante, avant de couler petit à petit ou de boire la tasse brusquement.
On trouve dans l'ouvrage de Quillien des reproductions de plusieurs de ces périodiques, qui mine de rien, à côté du côté superficiel et des informations parfois fantaisistes, présentent un vrai intérêt historique. Ils ont accompagné et reflété une époque.
On voit aussi quelques couvertures flamboyantes, impressionnantes de Ciné Music Magazine : créé en 1960 sous le nom de Ciné Magazine, et devenu Ciné Music Magazine avec la déferlante du rock, Johnny, Chaussettes, Vince Taylor et les autres.
Mais cette revue est belge: une émanation de Ciné Revue ! Dont le prédécesseur français, et son grand rival historique, est l'autre hebdo de cinéma Cinémonde , qui lance un courrier des fans de Johnny dès 1961, et couvre de plus en plus l'actualité du rock. Bien avant l'arrivée de Salut les Copains .
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Jeunesse Cinéma ouvre ses colonnes à Johnny et aux autres quand vient le temps du rock en France.
Une autre revue préexistante et qui bondit dans le train du rock et du twist est Capri Magazine.
Il y a celles qui mélangent les jeunes chanteurs à d'autres sujets: comme Rallye ou Top Réalités Jeunesse. Côté revue corporatiste, La Discographie française, apparue peu après Music Hall , ne s'adresse pas aux jeunes, mais aux professionnels. Cette revue rend compte de la nouvelle vague rock de façon assez neutre, mais avec telle ou telle très belle analyse sur Elvis par exemple, en 1961, par un immense spécialiste de jazz: Maurice Cullaz. Un texte qu'il faudrait rééditer et faire découvrir, puisque bien peu l'ont lu.
Il y a encore les opportunistes pur jus, comme le mensuel lyonnais Twist Film , une coquille vide vendue sur le seul pouvoir d'attraction de sa couverture !
L'un ou l'autre article sans consistance et sans reportage, et un bon vieux roman-photo ! Pour le reste, seule la première page compte. D'El Toro et les Cyclones aux Chats sauvages avec Mike Shannon, en passant par Françoise Hardy.
Une autre revue de province, nettement plus intéressante et imprimée à Rouen vers 1966 (les détails me manquent) est 15 à 20 Le mini-journal dans le vent , avec la bénédiction d'Hubert qui présente une autre émission à succès sur Europe n°1: Dans le vent , avec ses jeux des gages, et un immense succès. Jean-Noël Coghe collabore à la revue rouennaise. Cela ne dure pas longtemps...
DÉCLIN ET FIN
Le déclin et l'arrêt de l'émission (en mai 1969, avec un animateur canadien final), puis les transformations de la revue ( SLC Hebdo , l'insignifiant Salut ...) sont évoquées. |
C'est moins passionnant. Tout comme la petite sœur de Salut les Copains , créée un peu plus de deux ans après le grand frère: Mademoiselle Âge tendre. Beaucoup de yé-yé, de mode, de photos de chanteurs pour minettes, de chanteuses (des modèles pour ces demoiselles). Un peu de rock, surtout anglais, à doses homéopathiques.
PREMIÈRE CONCLUSION (avant la suite!)
On n'a pas encore fait tout le tour de Salut les Copains, cette revue si riche dans tous les sens du terme... Il n'est pas question de Jean-Paul Goude, qui collabore discrètement en 1967, bien avant la gloire. De grands noms de la littérature se glissent un temps avec leurs nouvelles, entre Johnny, les Beatles et les autres: de Tchekhov (!) à Poe et Buzzati en passant par Conan Doyle et Lion Miller. Le cinéma populaire chez les jeunes est aussi, de temps en temps, représenté dans ces pages en papier glacé, mais pleines de chaleur et de passion, par les James Dean (dès décembre 1962 et début 1963), Belmondo, McQueen, Mireille Darc (qui chante aussi) et Delon (lui aussi !). La prodigieuse décennie 60 est encore un peu plus immortalisée par un bijou comme Nos années salut les copains. Indispensable.
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LE COIN DU SPÉCIALISTE
On ne rencontre que très peu de ces noms propres écorchés, qui abondent tant chez d'autres auteurs. Dommage pour «Eddy» (Eddie) Cochran (p.43), «L'École des Vedettes» (p.99, titre exact de l'émission d'Aimée Mortimer qui révéla Johnny: À l'école des vedettes ), le «Flamengo» (Flamingo de Londres) (p.83).
Trois petites erreurs. L'album Philips de Johnny, sorti fin 1961 et intitulé... Salut les copains ! est son premier 30 cm...Mais pas son premier 33 tours, contrairement à ce qu'écrit Quillien (p.73). Ses 25 cm - ceux qui ont précédé, et ceux qui ont suivi cette magnifique sortie de grand luxe - sont tout autant des 33 tours !
Mademoiselle Âge tendre a absorbé Âge tendre et tête de bois (p.90)...Mais pas du tout la petite feuille éphémère (au nom d'ailleurs raccourci Âge tendre ) créée par Albert Raisner en mai 1962, et dont le siège social se trouvait au Golf Drouot ! Le rachat a concerné l'autre Âge tendre et tête de bois, avec lequel Raisner a d'ailleurs polémiqué ! Celui qui est né en novembre 1962, avec couverture reproduite dans le livre.
La querelle Raisner - Âge tendre, qui a duré longtemps (trop longue à développer ici) a même incité l'ORTF à demander au bateleur de changer le titre de son émission, renommée Tête de bois et tendres années en 1965 (non en 1966 n'en déplaise à Wikipédia, avec parfois un titre de circonstance comme un unique Tête de bois à Cannes en mai 1965).
Pour ce qui est de Mademoiselle Âge tendre , l'auteur cite trois photographes: Cyril Morange, André Berg et Jean-Jacques Damour, dont les deux derniers ont travaillé pour Salut les Copains (p.90).
Omission votre honneur: Morange a aussi opéré chez le grand frère, dès 1964 ! Bien que qualifié de «pas très sérieux» par Périer, dans une interview accordée à votre serviteur, en janvier 2009.
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ENCORE QUELQUES CHIFFRES
Le 31 octobre 1962, la revue Arts consacre un article à Salut les Copains ! On y mentionne un tirage de 400 000 exemplaires.
Dans Salut les Copains n°47 de juin 1966, écho sur une soirée à la Locomotive, où l'équipe du journal fête la publication des chiffres de tirage, dévoilés par l'organisme officiel chargé de cette responsabilité, l'OJD: en 1965, 1 039 356 exemplaires par mois (?) ! On présume qu'il s'agit d'une moyenne.
L'Express du 20 avril 1970 publie une étude sur la presse rock, chiffres compris. SLC Hebdo est dirigé par un transfuge de... France Dimanche : Bill Higgins, aujourd'hui retiré à Étampes dans l'Essonne, s'il vit encore. Tirage: 600 000 exemplaires. Les jours les plus fastes sont déjà enfuis. Beaucoup mieux que l'impeccable Pop Music (50 000) ou Music Maker (100 000). Rock and Folk : entre ces deux: 75 000 exemplaires. Et Actuel est lancé, mais on digresse...
DISCO REVUE ET SLC
Pas de passerelle ! Bien que Disco Revue soit apparu dans le dictionnaire de Salut les Copains , qui qualifie Berthon «d'alligator».
Deux exceptions: une fine lame de Disco Revue et France Disques , futur collaborateur de Rock and Folk et Europe n°1 notamment, Jacques Barsamian, place un article sur les pionniers du rock (un de ses sujets favoris) en 1963. La collaboration s'arrêtera là: le mensuel ne lui prendra pas son interview des Beatles, de novembre 1963.
La toute première réalisée par un Français, près de deux mois avant que les Fab Four ne foulent le sol de l'Hexagone.
Le photographe maison de Disco Revue est feu l'Anglais Bob Lampard, avec son disciple et ami Jean-Louis Rancurel ( ce dernier rencontré par Quillien pour un témoignage à la fois précis et émouvant). Un petit passage à Salut les copains en 1966 pour Lampard, notamment pour la tournée française des Stones. Une incursion de marque donc.
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UN COUP DE DÉVEINE - LE PHOTOGRAPHE ET LES BEATLES
Curieusement, dans Nos Années salut les copains , Jean-Marie Périer, qui confirme avoir été pressenti pour devenir le photographe officiel des Beatles, évoque une dispute avec Lennon, sans se souvenir d'une raison précise. Avec Périer les quittant brusquement. L'explication est apparue depuis lors.
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Le coupable involontaire est... Claude François ! Dans le numéro 56 de mars 1967, figurent des photos de Claude François (de Périer) avec le même genre de décor que celui qu'il avait installé dans les studios Abbey Road. Lennon le voit (malchance d'anthologie!) Il n'apprécie pas vraiment que le photographe n'ait pas fait d'effort spécial pour le plus grand groupe de la terre ! Rupture... Aïe !
Le single anglais Penny Lane/Strawberry Fields Forever présente une photo non créditée. C'est Périer... Ce que beaucoup de fans ignorent encore. Idem pour la partition anglaise de Penny Lane .
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SALUT LES COPAINS ET LA BELGIQUE
La séquence belge de l'émission est créée au départ pour y placer Adamo, dont la popularité immense dans notre pays est connue dans la petite bande de Frank et Daniel. Sans que l'envie de le diffuser soit plus forte: une façon de se dédouaner ! Il passe vite à la vitesse supérieure et, aussi étonnant que cela puisse paraître, il dépasse Johnny en popularité pour deux ou trois ans, au milieu des années soixante. Là où Johnny a été poussé à fond par l'émission et le magazine, Adamo est seulement «accompagné», tant son impact populaire est immense. Mais sans enthousiasme délirant...
LES PAGES BELGES
En avril 1964 sont créées les pages blanches centrales: le supplément belge. Au fil du temps, des articles intéressants sous la houlette de feu Robby (Tilgenkamp): Burt Blanca, les Shake Spears, les Sylvester's Team, les Sweet Feeling, et plein d'autres, parfois aussi bons, parfois consternants. De très précieux articles sur nos festivals: Ciney, Châtelet, Wolu-City. N'oublions pas un reportage sur un certain film...de Jean Jieme ! Et les Wallace Collection, avec une interview belge en 1969, suivie par leur promotion dans la cour des grands, en janvier 1970 (voir plus haut). Claude Delacroix succède à Robby au début des années 70: ce qui correspond au déclin du titre. |
Sylvester's Team dans SLC |
LE HIT PARADE
Historique !
Après tant de versions contradictoires et fantaisistes, voici la vraie naissance française du hit parade. Comme précisé plus haut: baptême en septembre 1955, dans Music Hall .
Avec la présentation qui suit.
Qu'est-ce que le hit parade ?
Le mot n'est pas français, mais il est joli, tout scintillant de paillettes dorées. Il fait fureur en Amérique et le Music-Hall étant chose internationale, c'est notre excuse de l'avoir adopté. «Hit Parade», cela signifie en quelque sorte: «Revue des succès». Nous nous proposons de donner chaque mois ici, à nos lecteurs, grâce aux renseignements recueillis à la fois chez les Éditeurs, la Radio, les chefs d'orchestre, les disquaires et les appareils à disques en usage dans les cafés, un palmarès des dix chansons les plus demandées dans le mois qui vient de s'écouler.
Le n° 1: Les Lavandières du Portugal ! (Diverses versions, ce sont les chansons qui sont classées, plus que les artistes.)
N°2: Mambo Italiano (Dario Moreno, Dean Martin)
N°3 C'est magnifique Mariano, Lucienne Delyle.
Bill Haley et Rock Around The Clock , c'est chez les autres !
« Les appareils à disques en usage dans les cafés» ( sic !): en 1955, en Belgique, on connaît bien le juke-box ?
TV ET ROCK
Trois programmes TV français.
16-4-1967 ORTF2 Soirée jeunesse À plein tube
Présentation: Jean-Pierre Frimbois et Michel Taittinger
Tournée Otis Redding; Hendrix en Angleterre.
21-5-1967 ORTF2 Soirée 16 000 000 de jeunes
de Sédouy, Harris, Jean-Paul Thomas avec la collaboration de Frimbois et Taittinger
Monkees, concert Donovan à Londres, Georgie Fame en Angleterre, Pink Floyd, Bee Gees etc.
31-12-68 ORTF 2
Surprise Party Guy Job, avec Frimbois et Taittinger
Outre des Français dont Johnny, Dutronc, Hardy et Nicoletta, et les excellents Variations: Joe Cocker, the Equals, Beatles, Stones, Aphrodite's Child, Fleetwood Mac, Tom Jones, Booket T, the Troggs, Traffic, PP Arnold, Small Faces...
Voilà la meilleure part de SLC qui a essaimé !
La passion du rock.
LE SCOOP FINAL - LE SALUT LES COPAINS D'AVANT !
INCROYABLE. Jamais personne ne s'est aperçu de l'existence d'une autre publication homonyme, même confidentielle, créée la même année que l'émission: 1959 !
Le n°1 de ce petit magazine d'allure amateur, ronéotypé, est paru à Maurecourt en décembre 1959. Des initiales désignent les responsables: Jean-Claude C., Christian B., Mireille D.
Le premier article concerne les jeunes de retour d'Algérie. Et d'autres sur les gardiens de phare (!), la guerre de Sécession, des jeux etc.
D'autres contributions dans les numéros suivants traitent des soldats en permission pour les fêtes, du paquebot France, etc.
Le n°3 fait état d'une diffusion de ce petit magazine en Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Indre-et-Loire, en Ardèche...
Le n°8 de juillet 1960 est le plus intéressant !
Pas pour le compte-rendu de la soirée dansante du 25 juin à Vernouillet: Tony Murena et Émile Prudhomme... Pas de confusion possible avec la revue homonyme à venir, deux ans plus tard exactement ! Mais les commentaires sur le film Jazz à Newport disent ceci...
«La nuit tombe sur Newport. Voici le chanteur de rhythm and blues authentique Chuck Berry. Si vous aimez danser le rock, achetez-vous un de ses disques. Vous serez servi.» (Anonyme)
Fin de la modeste aventure avec le numéro suivant: un rédacteur quitte pour raisons de santé. Un autre centralisateur de la rédaction prendra la relève, écrit-on.
C'est Filipacchi et Ténot qui sont venus. Et pour reprendre la fin de citation plus haut: «Vous serez servi»...Servie, toute la génération des fabuleuses sixties ! |
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CHRISTIAN NAUWELAERS
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