LES PHOTOS D'ETHAN RUSSELL
Ethan Russell est un photographe magistral: tout lecteur s'en rendra compte, s'il ne le sait déjà. Et autant et plus que d'autres, il a le talent de faire éclater ce si curieux magnétisme des Stones, mille fois copié (ou pitoyablement singé), mais jamais égalé dans l'immense imagerie d'Épinal du rock. Aujourd'hui caviardée par des publicitaires, qui vont parfois jusqu'à sponsoriser des groupes quant à leur look.
Les Stones présentent un mélange assez fascinant de décadence et d'élégance. Une «décadélégance», si j'ose ce néologisme ! (J'ose.) Un cocktail capiteux et unique qu'ils ont créé. Avec l'aide et l'inspiration d'Oldham (le responsable de la «non-titularisation» de Stewart) ? On peut en discuter à l'infini.
Mais aucun manager, aussi roublard et rusé soit-il, ne pourrait créer une personnalité comme Keith Richards par exemple. En p.52, on peut l'admirer, en couleur, arborant une veste marron, un foulard couleur cuivre assorti au pantalon, alors qu'il est assis sur le rebord de la fenêtre d'une maison appelée Oriole House à Los Angeles, occupée par nos héros du rock. Il ressemble à un chef indien paisible. Pose-t-il ou non ? Impossible de le savoir.
De ce naturel bluffant, de cette décontraction suprême vient une partie de son pouvoir de fascination. RIEN ne semble pouvoir le toucher. Un roi du monde, un dieu calme.
Il faut le voir pour le croire, p.82 (ici en noir et blanc). Toujours à Los Angeles,dans les coulisses du Forum, sur une moquette épaisse, Keith est étendu au milieu d'une série de gens, Stones et accompagnateurs du groupe, et intervenants divers. Plus relax qu'un grand chat, qui ignore ce qui l'entoure. Il est vrai qu'on ne sait pas ce qu'il avait pu inhaler et/ou avaler, mais tout de même... Un homme qui semble habité d'une grâce spéciale, totalement idiosyncrasique, qui n'appartient qu'à lui et lui seul.
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Mais outre Keith, j'ai été épaté par la grande majorité de ces magnifiques documents dont nous fait bénéficier Ethan Russell. Comme cette rencontre (p.116, n/bl) de Jagger et du très grand BB King: les deux stars - King en est une aussi, bien qu'à un degré commercial moindre - sont prises en un profil particulièrement réussi, et semblent mutuellement impressionnées, l'une par l'autre !
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Le gros plan couleur de Mick sur scène (p.173) est un petit joyau. Tout comme celui (un portrait en couleur et en gros plan aussi, mais pas sur scène) de Bill Wyman, au charme peut-être plus discret, mais ô combien ravageur et irrésistible. Et il y a d'autres artistes, inattendu(e)s !
Si quelqu'un n'aime pas les Stones, en étant un admirateur de Tina Turner (un cas peu probable certes, mais possible dans l'absolu), l'achat de 1969 Année Rolling Stones se justifie: rien qu'à cause de l'extraordinaire gros plan en couleur de dame Tina sur scène, p.122 ! Une pleine page n'aurait pas été de trop ici. Sublime, mais le sujet s'y prête.
La photo n/bl en p.100-101 montrant Keith recevant une pile de billets des mains de Ronnie Schneider (un de leurs collaborateurs) est particulièrement parlante: le pourvoyeur de cash tient une liasse -verte fatalement, il faut faire appel à notre imagination pour la couleur ! -...en bouche !
Et qu'il est craquant - huée à Oldham - le Ian Stewart, en smoking blanc, p.87 ! En noir et blanc, il joue au porteur de guitares, au pluriel; il en tient deux. Non, il y a erreur de casting je trouve... Ian Stewart est une STAR méconnue, tant pis pour le paradoxe ! Mais sa musique reste à jamais, celle de celui qui étincelle avec Led Zeppelin, sur le merveilleux Boogie With Stu (1971, mais paru en 1975 sur Physical Graffiti).
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